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raillé, acheté, après qu’on se sera rassasié de débauches esthétiques, l’exposition restera close pour quelques jours. La clôture n’aura rien d’insolite : on en profite d’ordinaire pour changer de place les tableaux. Cette fois on en profiterait pour organiser le concours. Pour toutes les œuvres médiocres l’exposition finirait, elle commencerait véritablement pour les bonnes.

L’Académie des Beaux-Arts, qui forme actuellement le jury le plus excellent et le plus impartial qui se puisse désirer, jugerait d’abord du mérite général de l’exposition et du mérite relatif de chaque genre. En vertu de cette comparaison, elle réglerait, pour chaque genre, le nombre de places qui seront mises au concours. En même temps, elle tiendrait compte des difficultés inégales et de la faveur plus inégale encore que rencontrent les diverses branches de la peinture ou de la sculpture. Elle montrerait l’importance qu’elle attache à telle ou telle branche, et trouverait un moyen naturel de pousser ou de retenir les artistes dans la voie où ils se sont jetés. Par exemple, il est évident qu’elle donnerait moins de places à la peinture de genre, qui envahit tout et que les acheteurs se disputent au poids de l’or, pour en donner davantage à la peinture d’histoire, que l’état seul soutient, et à la peinture religieuse, qu’il laisse périr. Le portrait serait moins bien traité que le paysage, les bustes seraient en moins grand nombre que les figures d’étude. La sculpture de genre, qui est attendue derrière les vitrines des marchands, ne rivaliserait plus avec la grande sculpture, que l’on vengerait du dédain des ignorans. En un mot, le jury constituerait la moralité de l’exposition, et s’assurerait l’influence la plus efficace sur la direction des esprits et le maintien des traditions. Les listes ainsi préparées, il resterait à les remplir par des élections attentives et méthodiques, que l’administration accepterait comme obligatoires. Les décorations, les acquisitions, les médailles seraient toutes réparties entre les premiers rangs de chaque liste, en tenant compte des distinctions antérieurement accordées ou des commandes faites avant l’exposition. Bien des noms, malgré cela, ne seront point atteints par les récompenses, car il y a des années (et l’année 1861 est du nombre) où les fonds que le ministère d’état peut consacrer à l’art ne sont pas considérables ; mais l’honneur d’être choisi par le jury et de voir ses œuvres parmi quelques centaines de toiles ou de statues proposées au suffrage public serait une consolation éclatante, un titre à la célébrité et une source d’avantages réels.

On me dit que le jury sera dans une situation délicate, et qu’il excitera bien des plaintes. Je n’en crois rien. Les plaintes ont leur raison, lorsque sur sept mille tableaux on en reçoit quatre mille. Il est évident que dans ce nombre il y en a des milliers de médiocres, qui ne diffèrent de ceux qu’on a refusés que par des nuances. Comment