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Les formes sont animées, les gestes pittoresques. La force ne nuit point au charme, ni la pétulance à l’harmonie. L’empreinte que ce groupe laisse dans l’esprit est subite, nette, durable, ce qui est le propre des œuvres bien conçues et dont le jet est franc. Il éveille en nous, sans que nous nous en rendions compte, un frais sourire et des réminiscences qui sont la poésie du sujet. Nous songeons aux idylles de Théocrite ou aux bucoliques de Virgile ; nous entrevoyons la vie champêtre dans le cercle idéal tracé par les anciens. Le faune était pour les Grecs l’expression générale de la nature ; ils ont traduit ce thème de bien des façons, de même qu’ils avaient bien des façons d’exprimer la poésie de la mer, depuis Vénus sortant de l’onde jusqu’aux néréides et aux tritons. Entre le faune de Praxitèle et le satyre aux pieds de bouc, il y avait une série graduée de types pour rendre la nature vivante.

Quelque ravi que l’on soit de l’ensemble du groupe, on reconnaît que l’exécution concourt à compléter le sujet. On ne sait s’il faut louer de préférence la partie supérieure ou la partie inférieure de la statue, la tête ou le torse, les jambes ou les bras, les modelés ou les attaches. Tout est rendu avec une vérité, une chaleur qui donnent à la figure un relief extraordinaire, la vie et les charmes les plus persuasifs de l’illusion. Les détails sont multipliés avec une rare délicatesse, et cependant, malgré leur abondance, ils ne nuisent point aux masses, qui sont constituées avec un si juste équilibre qu’elles ne font que s’animer davantage. Les bras par exemple, qui se relèvent au-dessus de la tête, sont d’un dessin nerveux et accentué, et pourtant les chairs sont souples ; les muscles, pour être vivement accusés, ne manquent ni de largeur ni de moelleux. Les épaules, les coudes, les poignets, sont pleins de finesse, et la construction générale s’ennoblit par les articulations, ce qui, dans la sculpture, caractérise les œuvres empreintes d’une forte individualité. Les jambes sont très bien dessinées : la façon dont elles s’ajustent l’une sur l’autre, leurs rotules, qui se présentent de face, leur facture énergique et précise, défient l’examen le plus malveillant. Le torse, qui est dans une pose si développée, qui s’offre tout entier à la sculpture, puisque les bras sont relevés et le découvrent, le torse est, à mon avis, le morceau capital, celui où l’artiste s’est complu avec amour, où il s’est mis tout entier. Le ventre, légèrement replié sur lui-même, respire comme dans la nature. Les clavicules, les muscles du dos, les pectoraux, les flancs, toutes les surfaces et même tous les accidens d’un type généreux sont rendus avec un talent que j’admire. Ce n’est point, je le sais, un de ces torses divinisés où la forme est simplifiée par une enveloppe idéale ; c’est au contraire une lutte corps à corps avec la nature, avec tous ses caprices, ses complications, ses bizarreries, c’est-à-dire sa richesse, car telle est la