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italiennes, que l’âge n’a pas affaiblies. Il se promenait au milieu de ses troupes, vêtu d’une redingote noire et n’ayant d’autres signes distinctifs de son grade qu’un grand sabre de cavalerie qui lui battait les talons. Il comptait au nombre de ses soldats les Anglais que commandait le colonel Dunn.

La nuit tombait déjà violette et fraîche, nous finissions de dîner, à califourchon sur un banc qui nous servait à la fois de table et de siège, lorsqu’un officier d’ordonnance apporta une lettre à Spangaro ; il l’ouvrit, la lut et me la passa : il y avait alerte aux avant-postes. Nous montâmes à cheval ; nous descendîmes le petit chemin rocailleux qui est la grande rue du village, nous traversâmes la route de Santa-Maria, et nous nous engageâmes dans un autre sentier qui va directement de Sant’Angelo à Capoue. Au bruit de nos chevaux, les sentinelles criaient : Qui vive ? et nous répondions en sifflant deux fois, ce qui était le signe de ralliement pour cette nuit. Nous arrivâmes ainsi jusqu’à une cascine toute perdue sous les arbres, avec un joli jardin où foisonnaient les lauriers-roses ; en avant d’elle se courbait le demi-cercle d’une solide barricade en sacs de terre, armée de quatre canons et défendue par une centaine d’hommes qui, agenouillés, couchés, abrités, guettaient, dans l’obscurité croissante et à travers les arbres, les mouvemens des patrouilles ennemies. On établit une chaîne de sentinelles avancées qui, marchant avec précaution et recevant les ordres donnés à voix basse, allèrent, d’arbre en arbre, jusqu’à la lisière du bois. Au loin, sur notre gauche, vers Santa-Maria, quelques coups de fusil retentirent qui brillaient dans la nuit Comme des vers luisans. Tout se calma ; le silence se fit dans cette plaine immense où tant d’yeux veillaient, où tant d’armes étaient prêtes. Lentement nous revînmes, visitant les postes, et, voyant que ce n’était qu’une de ces fausses alertes si fréquentes à la guerre, que du reste bonne garde serait faite, nous allâmes nous coucher.

Au point du jour, j’étais debout. De longs rubans de brouillard chassés par le vent du matin couraient au-dessus du Vulturne, se massaient en vastes flocons dans la plaine et allaient s’amonceler sur Capoue. En même temps que moi, un officier regardait ce spectacle ; il eut un mouvement de pitié : « Pauvres Napolitains ! dit-il, voilà les fièvres d’automne qui vont vers eux ! » Une lumière jaillit à travers les brumes, et un boulet vint éclater dans un champ voisin près d’un figuier dont il brisa les branches. Dès que le brouillard eut été bu par le soleil, nous braquâmes nos lorgnettes vers Capoue. La ville paraissait endormie, les sentinelles se promenaient sur les remparts, le camp retranché regorgeait de troupes ; à une demi-lieue de la ville, vers Cajazzo, on voyait régulièrement alignés sur la route