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Parmesan de distinction, et fort instruit, qui commandait notre artillerie volante, composée de trois pièces de campagne, s’appuya tout à coup contre un arbre ; on alla vers lui : une balle de mitraille avait pénétré dans sa jambe, balle plus grosse qu’un œuf de poule, et qui par miracle ne brisa point les os. Plus heureux que Cozzo, Briccoli en fut quitte pour deux mois de repos forcé. Pendant que, de front nous tenions les royaux en échec, ils essayèrent, par un mouvement rapide sur leur gauche, de s’emparer du village de Sant’Angelo, que sa situation dominante rendait extrêmement précieux ; mais là veillait Spangaro, à qui, dès notre arrivée à Naples, on avait donné le commandement d’une brigade. Ils furent reçus de manière à renoncer vite à leur projet, et se virent ramenés, la baïonnette aux reins, jusqu’à la ligne du chemin de fer, ce qui les conduisait si près de la place qu’ils n’hésitèrent pas à y rentrer.

Cependant le Vulturne avait été franchi par six cents hommes-que conduisait Gian-Battista Cattabeni, officier d’une rare vigueur, auquel un long séjour en Australie a appris toutes les audaces. Il trouva Cajazzo défendu par un régiment napolitain et un bataillon étranger (Suisses et Bavarois) ; il les culbuta à la baïonnette et s’empara de la ville. À deux heures, le résultat tenté était obtenu. Nous nous retirâmes lentement vers nos lignes. À quatre heures, toutes nos troupes étaient rentrées dans leurs positions respectives, et quelques rares coups de canon tirés par la place de Capoue annonçaient seuls qu’il y avait eu un combat, comme les tonnerres lointains annoncent qu’il y a eu un orage.

En traversant le champ de bataille pour revenir au quartier-général de Caserte, Türr fut acclamé par les troupes ; on avait toujours vu son manteau blanc au plus chaud de l’action, et les soldats, qui aiment la bravoure, applaudissaient leur jeune général. Le matin, il possédait sept chevaux ; le soir, il ne lui en restait que deux : cinq, montés par les officiers de son état-major, tombèrent pendant le combat. Parmi ces officiers, qui se distinguèrent spécialement dans cette journée, il convient de nommer le lieutenant-colonel Kiss, ancien chef d’état-major d’Omer-Pacha pendant la guerre du Monténégro, excellent et froid soldat que rien n’étonne, et qui abandonne sa vie au jeu des batailles avec une insouciance merveilleuse ; puis le capitaine de Gyra, gracieux et spirituel jeune homme qui sourit aux balles et aux coups de sabre. Il était lieutenant dans un régiment autrichien à la bataille de Solferino, et il a conservé bon souvenir des soldats français, à qui il doit trois blessures.

On pouvait s’attendre à ce que, pendant la nuit, les royaux, profitant de. notre fatigue, tenteraient un mouvement pour nous déloger de nos avant-postes ; les chevaux furent laissés sous le harnais,