Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le fils frotte un fusil, lourd et vieil héritage,
Par le sang et la rouille en maint endroit terni.

Blonde avec des yeux bruns, la jeune sœur arrose
Sur la fenêtre basse une touffe de fleurs.
Hier, dans son sein d’enfant la jeunesse est éclose,
Et son cœur s’est ouvert comme un bouton de rose
Plein d’agrestes parfums et de rosée en pleurs.

Seule, elle égaie encor la maison soucieuse ;
De beaux songes dorés passent dans son sommeil ;
Pour elle, du grillon la chanson est joyeuse,
L’horloge à la voix douce, et la lampe fumeuse
Sur les murs délabrés brille comme un soleil.

 — Un étrange soupir passe à travers la porte ;
Le vieux chien assoupi se dresse en gémissant.
Est-ce un souffle ou le bruit de quelque feuille morte ?…
Dans la nuit, tout à coup le vent d’automne apporte
Les sons déjà lointains d’un cor retentissant.

Le fils laisse tomber son fusil contre terre,
La sœur en frissonnant fait un signe de croix,
Le grillon est muet. — « Écoutez, dit la mère,
On dirait tout là-bas l’esprit de votre père
Qui sonne un air de chasse au milieu du grand bois. »


VIII. — LE ROUGE-GORGE.


La forêt au front dégarni
Effeuille au vent sa couronne,
Et le vent dans le bois jauni
Soupire un chant monotone ;
Les feuillages en tourbillons
Tournent et brillent aux rayons
Du pâle soleil d’automne.

Un essaim d’oiseaux voyageurs
Comme un ruban se déploie
À l’horizon, dans les vapeurs
Où le bleu du ciel se noie.
Vers le midi, loin de l’hiver,
Ils s’en vont, bohémiens de l’air,
Avec de longs cris de joie.