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péninsulaire, et y proclamer Victor-Emmanuel roi d’Italie. Si les esprits les plus éminens n’étaient souvent obscurcis par les fumées généreuses qui montent de leur cœur ; je ne pourrais croire à un tel projet. L’accomplir était radicalement impossible, mais oser seulement le tenter à forces ouvertes, c’était briser l’œuvre de l’Italie et remettre tout en suspens. La solution de la question italienne est à Rome, nul ne l’ignore ; mais cette solution ne peut venir que du temps, qui forcément l’amènera. La France est à Rome à son corps défendant, les preuves en abondent ; mais tant que, poussée par un esprit de générosité méconnu jusqu’à la calomnie et maintenu au-delà des limites du dévouement, elle croira devoir y rester, elle. y est inattaquable. Si Garibaldi eût essayé cette folie, qui tentait sa grande âme, entre Naples et Rome, devant lui et debout pour lui disputer le passage, il eût trouvé tout ce que l’Italie a de sensé et de prévoyant. L’Italie entière, cette Italie qu’il adore, et pour laquelle il s’est fait sa vie terrible, se serait levée et l’eût arrêté.

Des conseillers hardis, enivrés de succès, poussaient le dictateur dans la voie agressive ; quelques-uns disaient même : « À notre approche, le pape se retirera et l’armée française avec lui ! » Les plus sages suppliaient Garibaldi de renoncer à son dessein, dont ils lui montraient le péril, non pas seulement pour lui, mais pour la patrie. Céda-t-il ? maintint-il d’abord au contraire fermement sa résolution ? Je l’ignore ; du moins nous pûmes croire à un ajournement de son projet. Il ne pouvait du reste penser à l’exécuter qu’après s’être assuré une forte position à Naples, et cette position était compromise par le voisinage de Capoue. En effet, il était imprudent de s’éloigner en laissant la capitale menacée par une place de guerre bien approvisionnée, renfermant un camp retranché considérable et située seulement à dix heures de marche. Il fallait donc prendre Capoue, ou tout au moins laisser devant la place un corps de troupes assez nombreux pour repousser toute tentative de sortie sérieuse ; mais dans ce dernier cas Garibaldi diminuait son armée de moitié, et n’aurait pas eu des forces suffisantes pour essayer même d’envahir les États-Romains. Il se résigna donc à marcher sur Capoue et à la mettre dans la nécessité de capituler. Deux jours de bombardement, et la ville nous eût appartenu. Ce n’étaient ni les munitions ni les engins qui nous faisaient défaut ; on sait, à n’en point douter, que, les arsenaux napolitains ont toujours été abondamment fournis de ces grands outils de destruction. De plus, un chemin de fer reliant Naples à Capoue rendait extrêmement facile le transport du matériel de siège. Néanmoins, lorsqu’on parla à Garibaldi de la possibilité de réduire immédiatement la place en la bombardant, il répondit avec colère que, quel que soit celui qui les lancer les bombes sont toujours