Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/464

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ports militaires, celui de Toulon seul était convenablement pourvu de pièces assorties. Non compris les mâts, l’approvisionnement général se montait à cette époque, c’est-à-dire en 1850, à 207,653 mètres cubes ; mais, au dire du rapporteur, le défaut d’assortiment était tel que cette quantité ne représentait pas la moitié de la puissance qu’elle aurait dû offrir[1]. Outre l’inconvénient d’inspirer une confiance trompeuse, des approvisionnemens ainsi constitués ont encore celui d’encombrer les arsenaux de bois inutiles, qui se détériorent de jour en jour, et d’occasionner sans profit des dépenses considérables.

Ce serait peu de posséder les bois nécessaires à l’entretien de la flotte pendant dix années, si l’on n’en assurait la conservation jusqu’au moment où ils devront être employés. Ces bois en effet sont exposés à des causes de destruction si graves et si nombreuses que, si l’on n’y prenait garde, on risquerait de perdre le fruit de toute cette prévoyance. Laissés à l’air libre, ils se fendent, se tourmentent et ne tardent pas à pourrir sous l’influence des alternatives de sécheresse et d’humidité. Sous des hangars, la pourriture est moins fréquente., mais en revanche les insectes sont plus à craindre : un des plus redoutables, le lymexylon, est un petit ver qui, creusant des galeries dans le tissu ligneux, en coupe les fibres dans tous les sens et lui enlève toute résistance. À Rochefort, on a signalé, depuis soixante ans, la présence d’un ennemi peut-être plus dangereux encore : c’est le termite, espèce de fourmi ailée qui s’attaque non-seulement au bois, mais à toute matière organique, végétale ou animale. Jusqu’à présent, il n’a heureusement pas étendu ses ravages au-delà de ce port. Pour préserver les pièces de marine, on a imaginé de les immerger dans des bassins remplis d’eau de mer, mais là surgit un autre fléau, le taret naval, mollusque marin qui se loge dans le bois et y creuse, en se développant, des galeries de la grosseur d’un doigt. On ne savait comment s’en préserver, lorsque Duhamel eut l’idée d’enfouir les pièces dans une vase formée avec un mélange d’eau douce et d’eau de mer. Cette vase, en se déposant à la surface, intercepte la communication de la galerie avec l’extérieur, et, empêchant l’animal de respirer, le fait périr. On a aujourd’hui adopté ce moyen de conservation dans tous les ports militaires ; les bois sont enfouis dans d’immenses bassins vaseux, partagés en un certain nombre de cases qui correspondent aux pièces des différentes catégories, de telle façon que l’on sache où pêcher celles dont on a besoin. Si ce système est favorable à la

  1. Rapport de M. Maissiat sur les Bois de marine. Enquête parlementaire, tome Ier, page 503.