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à construire des navires en fer, où le bois n’entrait plus que dans les aménagemens intérieurs, Toutefois ce système ne fut adopté d’une manière absolue que par l’industrie privée, car on ne tarda pas à reconnaître que pour les bâtimens de guerre l’emploi exclusif du fer présentait de graves inconvéniens. Les carènes en fer se couvrent facilement de coquillages et d’herbes marines qui ralentissent la marche du bâtiment ; il faut les nettoyer fréquemment et les repeindre au moins une fois l’an, ce qui est une cause de dépenses assez considérables. Si le navire en fer est moins exposé aux avaries que le navire en bois, en revanche, lorsqu’il s’en produit, elles sont beaucoup plus dangereuses et plus difficiles à réparer ; le boulet par exemple occasionne dans le fer des bavures et des déchirures qu’on ne peut fermer, tandis que dans le bois il fait un simple trou qu’on bouche facilement avec des tampons préparés à l’avance, et qu’on recouvre d’une plaque de plomb. Indépendamment de toute autre cause, la présence des rivets, c’est-à-dire des clous qui réunissent les plaques de fer contiguës, suffit pour occasionner des voies d’eau impossibles parfois à découvrir et par suite à étancher. Ces rivets sont chauffés au rouge avant d’être introduits dans des trous percés dans les plaques ; la contraction qui se produit par le refroidissement provoque une tension telle dans le métal qu’elle suffit pour occasionner des fissures, et même pour faire tomber la tête du rivet[1].

Au point de vue hygiénique, les bâtimens en fer sont également inférieurs aux bâtimens en bois ; le métal, bon conducteur du calorique, s’échauffant rapidement et se refroidissant de même, expose les équipages à des écarts alternatifs de température très nuisibles à leur santé. Enfin à tonnage égal les premiers coûtent à peu près le double des autres, et c’est une considération qui a son importance. Aussi la marine militaire ne fait-elle plus aujourd’hui construire en fer que les navires qui, avec un faible tirant d’eau, doivent avoir un grand déplacement relatif, comme ceux qui sont destinés à opérer sur des côtes et dans des rivières peu profondes. Elle a adopté pour les autres un système mixte dans lequel le bois et le fer sont employés concurremment, mais où celui-ci n’est plus qu’un auxiliaire destiné à renforcer et à protéger les parties faibles, le bois demeurant l’élément principal.

Parmi les bois qui entrent dans la construction d’un navire, on distingue les membrures, qui en forment la charpente, les bordages,

  1. Le Newton, navire en fer, était resté deux ans au port sans faire une goutte d’eau ; une fois à la mer, à la suite d’un coup de vent, il fit eau de toutes parts, et dut, pour ne pas couler bas, se réfugier au plus vite dans un port voisin. C’est le guillotinage des rivets qui lui avait fait courir ce danger. Il est probable que le Président, steamer américain, s’est perdu pour la même cause.