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Les fers français au bois ne valent pas les fers de Suède, mais ils sont en général bien supérieurs aux fers anglais. On ne saurait en douter lorsqu’on lit l’Enquête officielle au sujet du traité de commerce avec l’Angleterre. Toutes les personnes entendues, maîtres de forges, constructeurs de machines, directeurs de chemins de fer, sont d’accord sur ce point. Il en est qui vont plus loin encore, et affirment que du traité de commerce datera une nouvelle ère de prospérité pour notre métallurgie, à la condition toutefois que nos industriels s’en tiendront exclusivement, la fabrication au bois des fers de qualité supérieure[1]. Ainsi nos usines au bois, loin d’avoir à souffrir d’un remaniement libéral de nos tarifs, trouveront au contraire de nouveaux débouchés sur les marchés étrangers, et par conséquent les propriétaires de forêts n’auront qu’à y gagner.

Cette régénération des forges au bois devra s’opérer rapidement, à la condition que l’industrie métallurgique emploie toujours les procédés de fabrication les plus perfectionnés. Aussi sommes-nous très loin à cet égard de partager les idées qu’un homme fort compétent d’ailleurs, M. Leplay, a développées avec talent dans les Annales des Mines en 1853. Le savant ingénieur ne proposait rien moins que d’introduire en France le régime en vigueur en Russie, en Suède et sur quelques points de l’Allemagne, c’est-à-dire d’affecter à chaque forge, une certaine étendue de forêts où elle pût s’approvisionner de combustible Quant à la rente à payer au propriétaire de ces forêts, elle devait être calculée d’après le prix de revient du produit fabriqué, et par conséquent dépendre de la valeur des fers dans la localité. Si cette constitution devait résulter de l’association volontaire des maîtres de forges avec les propriétaires de bois, nous n’y verrions aucun inconvénient ; mais si ce système nécessitait l’intervention de l’état, il n’y aurait certes pas lieu de le recommander. En fait de progrès industriels, la France n’a rien à gagner à prendre ses modèles en Russie ou en Suède.

Quel que puisse être l’avenir des hauts-fourneaux qui fabriquent à la houille, il est incontestable que l’intérêt du pays est de se procurer le fer au plus bas prix possible, par conséquent de s’adresser à l’étranger, si l’étranger peut le fournir à de meilleures conditions

  1. Voici comment s’exprime à ce sujet M. Paulin Talabot, directeur du chemin de fer, de Lyon à la Méditerranée : « Quand nous examinons l’industrie du fer en France, nous voyons d’abord qu’une grande partie de cette industrie, celle de la fabrication du fer au bois, est en dehors de la question ; nous croyons, quant à nous, que cette industrie a un très grand avenir, et que tôt ou tard elle se mettra en position d’importer en Angleterre une grande quantité de ses produits. Il n’y a pas de fontes au bois en Angleterre ; les fontes au bois françaises sont d’une qualité supérieure à tout ce qu’on fait dans ce pays. C’est une industrie qui n’existe pas en Angleterre, et qui prendra en France un grand développement dans l’avenir. J’insiste sur ce point, parce qu’il est d’un grand intérêt. »