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employé pour les ventes ; faites sur pied dans les forêts de l’état et dans celles des communes ; quant aux particuliers, ils traitent le plus souvent à l’amiable.

Maître de sa coupe, l’adjudicataire la fait exploiter à son gré et de la manière qui lui parait le plus profitable ; en se conformant toutefois aux conditions imposées par un cahier des charges. Il en tire les produits dont il espèce le plus d’avantage, et il façonne de la charpente, des bois d’industrie ou de chauffage, suivant l’état du marché et les conditions particulières où il se trouve lui-même, Le plus souvent.les différens adjudicataires d’un même pays font entre eux des échanges par spécialités : le marchand de planches cède le bois de feu à son voisin et lui prend son sciage ; le fabricant de merrain recherche les chênes bons pour la fente, et le fournisseur de la marine ceux qu’il croit propres aux constructions navales ; le maître de forges convertit en charbon tout ce qui peut être utilisé sous cette forme, abandonnant la charpente et le bois d’industrie à ceux qui en font le commerce. C’est ainsi que les produits se classent naturellement, et qu’en allant toujours où ils sont le plus payés, ils finissent par aboutir chez celui qui en a le plus besoin et qui sait le mieux en tirer parti. Ce commerce n’en a pas moins, comme tout autre, ses parasites, qui ne vivent que de spéculation : on fait l’agiotage sur les bois comme sur les autres marchandises. Bien des gens en effet achètent des coupes sans avoir l’intention de les exploiter, mais seulement pour les revendre avec bénéfice ; , d’autres vendent des bois qu’ils ne possèdent point, et comptent sur une baisse éventuelle pour repasser leur marché à un autre, en profitant de la différence. C’est là un mal nécessaire, que compensent, et au-delà, les avantages de la liberté des transactions, et ce commerce après tout ne donne pas lieu à plus de fraudes que s’il se faisait par l’intermédiaire de courtiers patentés.

Il existe dans chaque région forestière un ou plusieurs points vers lesquels viennent converger tous les produits qui, n’étant pas consommés dans la localité, sont expédiés au loin. Ces centres commerciaux, qui sont en quelque sorte des marchés régulateurs, sont situés le plus souvent sur des rivières navigables et flottables. Les deux plus importans sont Clamecy, dans la Nièvre, et Saint-Dizier, dans la Haute-Marne. Le premier, placé au confluent du Beuvron et de l’Yonne, sert d’entrepôt pour les bois de chauffage du Morvan, qui sont de là dirigés sur Paris. Saint-Dizier au contraire est plus particulièrement un marché de bois de charpente, car les bois de feu que produisent les vastes forêts de la Haute-Marne sont employés sous forme de charbon dans les nombreux hauts-fourneaux de ce département.