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I. — LES BOIS D’INDUSTRIE ET LES FOIS DE FEU.

On sait que, dans toute forêt soumise à un système d’exploitation régulier, on peut couper chaque année une certaine quantité de bois sans craindre d’en compromettre l’avenir, puisque la végétation reproduit tous les ans une quantité de matière ligneuse équivalente. Ces coupes sont opérées, soit par les propriétaires eux-mêmes, qui en utilisent directement les produits ou qui les revendent en détail, soit par des entrepreneurs qui les achètent sur pied et les exploitent pour leur propre, compte. Le choix entre ces deux systèmes dépend de circonstances économiques qu’il est difficile de spécifier d’une manière absolue. C’est le dernier qui est adopté pour l’exploitation des forêts de l’état et une partie de celles des communes.

Dans ces forêts, la vente des coupes a lieu tous les ans, vers les mois de septembre ou d’octobre, par voie d’adjudication publique et après publications préalables faites au moins quinze jours à l’avance. C’est au chef-lieu de l’arrondissement et sous la présidence du préfet ou du sous-préfet qu’on y procède. La présence du receveur-général du département, du conservateur, des agens forestiers et d’un certain nombre de gardes, tous en uniforme, donne à cette opération un certain caractère de solennité que justifie d’ailleurs l’importance des intérêt en jeu. Aussi, dans les contrées boisées, comme les Vosges ou la Haute-Marne, pour lesquelles la production forestière constitue la principale richesse, ces ventes sont-elles un événement capital. Les marchands de bois, les maîtres de forges, tous ceux dont l’industrie repose sur l’emploi de la matière ligneuse, savent qu’il y va quelquefois de leur fortune, puisque c’est du prix plus ou moins élevé des coupes achetées par eux que dépendra leur bénéfice de l’année. Pour les communes, il s’agit de l’équilibre du budget ; les ventes suffiront-elles à couvrir les dépenses, ou laisseront-elles un reliquat qui permettra la construction d’une école ou la réparation de l’église ? C’est, on le conçoit, un sujet de graves préoccupations. Pour les agens forestiers enfin, ce jour est en quelque sorte le résumé de leur gestion pendant l’année tout entière, puisqu’en définitive tous les travaux auxquels ils se sont livrés, constructions de routes, plantations, aménagemens, n’ont eu d’autre but que d’accroître la production du bois, d’en faciliter l’extraction et par suite d’en augmenter le prix. Il y a entre eux une certaine émulation ; c’est à qui vendra le mieux ses coupes, à qui en aura le mieux déterminé la valeur. L’exactitude des estimations peut être considérée comme la pierre de touche du forestier praticien ; il faut en