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EXPEDITION
DES DEUX-SICILES
SOUVENIRS ET IMPRESSIONS PERSONNELLES

IV.
NAPLES ET LA BATAILLE DU VULTURNE.

I

Trois cent mille polichinelles piqués de la tarentule et dansant des sarabandes auraient fait moins de bruit que le bon peuple de Naples au moment de l’arrivée des volontaires. Un flot diapré et hurlant montait et descendait la rue de Tolède ; tous ceux qui avaient pu trouver une loque rouge, casaque, châle ou rideau, s’en étaient affublés, et, levant les bras, vociférant, agitant des bannières, s’embrassant, riant, pleurant, s’en allaient acclamer le dictateur, qui, brisé de fatigue, rompu d’émotion, énervé de ce triomphe brutal, demandait du repos et priait qu’on le laissât dormir. Les têtes les plus solides tournaient dans cette enivrante atmosphère que remuait tant de bruit. Ceux-là seuls que retenait forcément au logis la maladie ou l’impotence n’étaient point descendus dans les rues et sur les places. Les voitures renonçaient à ouvrir la foule, qu’elles suivaient au pas, s’arrêtant là où elle s’arrêtait et bien vite escaladées par les