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HESTER LYNCH PIOZZI

Autobiography, Letters, and literary Remains of mistress Piozzi (Thrale), edited with notes, etc., by A. Hayward, esq. Q. C ; two vols. London, Longman, 1861.

Quand on plaça la statue de George Canning auprès de Westminster-Hall, un respectable magistrat, présent à la cérémonie, remarqua judicieusement que Canning n’était pas en réalité « aussi grand » que ce bronze gigantesque destiné à éterniser sa mémoire… — Non certes, ni aussi vert, lui répondit du plus grand sérieux un mauvais plaisant, alors simple avocat, mais qui siége présentement à la chambre des lords, et à qui, pour cette excellente raison, nous accordons les bénéfices de l’anonyme. Nous serions tenté de retourner le mot à l’usage de cette petite pléiade de beaux-esprits qui se groupèrent un moment autour de mistress Hester Lynch Piozzi, et, après avoir pu se croire quelque chose, après avoir manifesté la velléité de briguer les honneurs et les ridicules d’une académie, virent s’évanouir un matin ce rêve doré, cette brume aux brillans reflets. Le soleil se levait. Burns, Crabbe, les lakistes allaient frayer la voie à Byron et à Walter Scott. Nos della Cruscans (on leur décerna ce sobriquet ironique) s’éclipsèrent et furent à l’instant même oubliés. Il ne resta debout que l’idole aux pieds de laquelle ils avaient grandi, le chêne qui avait alimenté ces végétations parasites : — le grand docteur Johnson, ce quarantième article du symbole anglican, ce Behemoth, ce Léviathan littéraire dont la perruque olympienne, toujours de travers, et le regard fulminant, quoique myope, inspirent encore aux plus hardis ce respect traditionnel, inébranlable, qui est à la fois le vice et la vertu des races vouées à la domination aristocratique. — Eh bien ! de ce groupe, de cette coterie éphémère,