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MM. Pusey et Newman y avaient fait prévaloir. Ce fut le point de départ de la réaction à laquelle nous assistons aujourd’hui. Quelques années après la mort d’Arnold, M. Stanley, son disciple et son biographe, fut nommé professeur d’histoire ecclésiastique à Oxford, où il introduisit une théologie libérale, et où il a trouvé dans M. Jowett un collègue plus hardi et plus indépendant encore. Ainsi s’est formé peu à peu un troisième parti à côté de ceux qui l’avaient précédé. On avait la haute église, représentée de nos jours par le puseyisme, et la basse église, représentée par les évangéliques ; on a donné le nom d’église large (broad church) à ceux qui reconnaissent les droits de la raison et qui cherchent à mettre les croyances religieuses en harmonie avec les résultats constatés du savoir humain. Le volume des Essais et Revues est comme l’expression de cette tendance, le manifeste avancé de ce parti. Cela suffirait déjà pour attirer l’attention sur ce livre ; mais les idées qui y sont exposées ont par elles-mêmes une gravité incontestable, et si l’on ne peut s’associer aux cris de malédiction et d’effroi qui se sont élevés au sujet de cette publication, on ne peut méconnaître que le protestantisme a bien quelque sujet de s’en émouvoir.

Le volume dont je viens de raconter l’origine se compose de sept morceaux, écrits, à l’exception d’un seul, par des ministres de l’église anglicane. Les auteurs ont travaillé sans concert préalable, et ils déclinent expressément toute responsabilité collective. Les dissertations qu’ils ont fournies ne se rattachent pas même à un plan commun et ne forment point un ensemble. On y trouve un aperçu sur l’éducation de l’humanité à côté d’un compte-rendu des travaux de. M. de Bunsen, un travail sur la cosmogonie mosaïque auprès d’un article sur les caractères et les conditions d’une église nationale. En y regardant bien néanmoins, on reconnaît dans toutes ces pages, sous toutes ces plumes, une même préoccupation. C’est par là que le volume prend une espèce d’unité, et c’est par là aussi qu’il devient un symptôme de la crise qui ébranle aujourd’hui le protestantisme. Si on laisse de côté ce qu’il y a d’individuel dans les Essais et d’accidentel dans la forme qu’ils ont revêtue, on arrive à en dégager plusieurs idées dont la parenté n’est pas douteuse. Voici à peu près comment on peut résumer ces idées.

Quel est le principe fondamental du protestantisme, et en quoi diffèrent les conceptions religieuses que représentent les deux grands partis chrétiens ? La réponse est aisée. Le catholicisme, c’est le christianisme tel qu’il s’est modifié à travers les siècles ; le protestantisme de son côté à la prétention de remonter directement à la source et d’atteindre le christianisme dans son expression primitive et authentique. Le protestantisme à cet effet puise dans l’Écriture