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anglicane. Ils se sentaient unis dans la vénération pour le système catholique, dont ils regardaient la papauté comme une simple superfétation, dans le mépris de la réformation, dont ils détestaient le caractère révolutionnaire, dans le zèle pour les principes qui séparent l’anglicanisme du reste du protestantisme, tels que la succession épiscopale, la dignité du sacerdoce, la vertu des sacremens. Les chefs du parti étaient M. Pusey, professeur d’hébreu, homme médiocre, qui a donné son nom à la nouvelle école ; M. Keble, auteur d’un volume de poésies religieuses très goûté et très répandu ; M. Newman enfin, qui depuis est entré dans l’église romaine, et qui exerçait une grande autorité par son caractère personnel, sa science, ses austérités, et surtout par la gravité de son éloquence. Du sein de ce petit cénacle partirent, en 1833, les fameux Traités pour le temps présent (Tracts for the times), qui, pendant plusieurs années, servirent à battre en brèche la théologie courante et à rappeler l’Angleterre à des croyances à la fois plus larges et plus anciennes. L’effet de ces brochures fut immense. Les doctrines qui y étaient exposées ne pénétrèrent pas, il est vrai, dans la masse d’une population peu portée aux raffinemens religieux, mais elles agirent sur le public lettré et sur le clergé par le double attrait de la nouveauté et du paradoxe, par la double puissance des passions flattées et des besoins satisfaits. Il était difficile que les ministres de l’église n’accueillissent pas avec faveur des idées qui agrandissaient leur rôle, et il était naturel que l’onction mystique des nouveaux docteurs séduisît des esprits fatigués du stérile jargon des « évangéliques. » Quelque jugement d’ailleurs que l’on porte sur le fond des choses, il faut reconnaître que l’influence du puseyisme sur le clergé a été bienfaisante. On vit refleurir, avec le respect de l’antiquité, les études sérieuses, les recherches historiques, l’intelligence du passé, le goût de l’art religieux, le zèle pastoral, l’ardeur pour les œuvres de piété et de charité. Le clergyman mondain, le chasseur de renards clérical, ce type d’une race déjà dégénérée, acheva de disparaître entièrement. Le puseyisme en dix ans fit perdre au calvinisme la moitié du terrain que celui-ci avait conquis dans les quatre-vingts années précédentes.

Il arriva enfin à la nouvelle école ce qui était arrivé au mouvement méthodiste. Tout périt en ce monde, parce que tout s’exagère et se corrompt en s’exagérant. Les auteurs des Traités se laissèrent entraîner par leur propre théorie, et finirent par arriver à un point où il leur devenait impossible de rester dans l’église nationale. Ils avaient été dans leur droit aussi longtemps qu’ils s’étaient contentés de remettre en lumière des principes plus ou moins explicitement contenus dans les institutions de l’anglicanisme, aussi longtemps