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ni la piété très vive. Les prédicateurs ne connaissaient que trois thèmes de discours : les vérités de la religion naturelle, les preuves de la révélation, les lieux-communs de la morale. — La masse de la population se distinguait par ces mœurs rudes, ces amusemens cruels et ces habitudes d’intempérance qui sont restés pendant si longtemps comme identifiés avec le caractère national. Le scepticisme et la licence régnaient dans les classes supérieures, tandis que le peuple restait plongé dans une espèce de barbarie.

C’est alors que prit naissance un mouvement religieux qui a changé la face de l’Angleterre. Oui, l’Angleterre, telle que nous la connaissons aujourd’hui, avec sa littérature pudique et grave, avec son langage biblique, avec sa piété nationale, avec ces classes moyennes dont la moralité exemplaire fait la force du pays, l’Angleterre est l’œuvre du méthodisme. Le sobriquet de méthodiste fut attaché pour la première fois, vers 1720, à quelques étudians d’Oxford qui s’adonnaient à des lectures religieuses, pratiquaient des austérités, visitaient les malades et les prisonniers, et qui portaient dans leurs études et leur conduite une régularité plus « méthodique » que les autres. Parmi ces jeunes gens, il en était deux qui devinrent plus tard les chefs du mouvement, Jean Wesley et George Whitefield. Le zèle qui les dévorait en fit des apôtres. Ils entreprirent de parcourir le pays. On les vit aller de lieu en lieu, prêchant en plein air, honnis de tous, affrontant des masses irritées, essuyant des injures et des coups, en continuel péril de la vie, mais réunissant parfois jusqu’à vingt et trente mille auditeurs, triomphant des obstacles à force de dévouement et d’enthousiasme, enchaînant l’attention par leur éloquence. Ils furent bientôt secondés par une foule de prédicateurs laïques, simples artisans pour la plupart, ignorans, mais pleins de zèle, et qui portèrent partout le feu dont ils étaient eux-mêmes consumés. Whitefield était plus bouillant que Wesley ; il semblait trouver le monde trop étroit, et partageait ses travaux entre l’Angleterre et les colonies anglaises de l’Amérique. L’effet de sa parole passionnée tenait du prodige. Hume lui-même, le froid sceptique, en fut une fois ému, et Franklin nous a raconté comment, venu pour écouter un sermon de charité, mais venu avec la ferme intention de ne rien donner, il sentit peu à peu ses résolutions s’évanouir, et finit par vider sa bourse tout entière dans le chapeau qui lui était présenté. Wesley, génie plus organisateur, a fondé la société religieuse à laquelle son nom est resté attaché, secte puissante, qui tient de l’église et de la confrérie, et qui atteint mieux que ne le ferait un clergé lettré le pauvre et l’ignorant, le paysan du Dorsetshire ou le mineur de Cornouaille. Cependant le méthodisme a fait plus que d’établir une secte, il a vivifié toutes les autres,