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élevés à une civilisation et à un développement intellectuel bien supérieurs.

Longtemps après avoir accepté l’écriture idéographique des Chinois et sans pour cela l’abandonner, les Japonais se sont composé un alphabet ou plutôt un syllabaire, car leur système graphique est essentiellement syllabique, composé de quarante-sept signes. C’est ce qu’ils appellent l’irofa. Les signes de l’irofa peuvent être exprimés par des formes très différentes ; ainsi il y a le kata-kana, composé de quarante-sept élémens ou débris de caractères chinois, le man-yô-kana, le fira-kana, le yamato-kana, le zyak-seô, et d’autres encore. Ces signes différens ont généralement des applications distinctes. Ainsi le fira-kana est l’écriture employée pour l’histoire, les romans, la poésie ; d’autres écritures doivent être appliquées à la philosophie, aux sciences, à la religion ; cependant il n’y a pas de règle formelle à ce sujet, et il arrive souvent que l’écrivain japonais mêle plusieurs de ces caractères, ce qui rend plus difficile encore l’étude de la langue. Les Japonais écrivent de haut en bas, par colonnes verticales qui se suivent parallèlement de droite à gauche. Comme les Chinois, ils se servent d’un pinceau qu’ils tiennent tout droit, de façon à ce que l’extrémité seule de la pointe soit en contact avec le papier. Les grands changemens que le japonais a subis dans le cours des siècles constituent en réalité deux langues : la vieille langue conservée par les poètes, qui s’est maintenue très pure à la cour du micado, à Miako, et qui est désignée sous le nom de yamato-kotoba, « langue de la province de Yamato. » On assure qu’elle est régulière, savante et bien ordonnée. L’idiome actuellement parlé s’est scindé en plusieurs dialectes dont les plus dissemblables sont ceux du nord et du midi. Kiou-siou, et surtout Nagasaki, ont subi, par le contact des étrangers, des influences chinoises et même hollandaises et portugaises. « À l’époque actuelle, dit M. L. de Rosny, la langue japonaise présente encore un ensemble varié de lettres simples et de composés euphoniques. Elle possède cinq voyelles (a, e, i, o, ou) qui se combinent entre elles pour former des sortes de diphthongues. L’u, dont on rencontre le son chez les Chinois, manqué chez ces insulaires. Quant aux consonnes, la presque totalité de celles qui existent dans l’alphabet latin se retrouvent également dans le syllabaire japonais : l’l et l’r s’y confondent fréquemment. » Les substantifs ne possèdent pas de genres ; mais on y ajoute deux particules, o et me, pour désigner les sexes : o-ousi, taureau, me-ousi, vache. Des noms de nombre, les dix premiers seulement appartiennent au japonais ; le reste a fait place, dans l’usage journalier, aux noms chinois. Les pronoms personnels sont le plus souvent remplacés par des expressions humbles pour la première personne et élogieuses pour les autres ; par exemple, au lieu de :