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délaissés ; les Japonais, familiarisés avec la mer par l’immense développement de leurs côtes, sont d’excellens marins ; on les rencontre par de gros temps, à une distance considérable en mer, maniant avec beaucoup de dextérité leurs jonques grossières.

Nous avons pu juger déjà, par les objets exposés sur les marchés des villes, des développemens que l’industrie a acquis au Japon. On y travaille aussi les métaux avec un art supérieur. Les seuls ornemens que portent les hommes s’appliquent à leurs pipes et à leurs épées ; les pipes, attachées au vêtement sur la poitrine, sont garnies, comme chez nous les chaînes de montres, de petits objets ingénieux et délicats. Quant aux épées, elles ont de riches poignées d’or ou d’un très beau métal appelé syakfdo, qui est un composé d’or, de cuivre et d’autres métaux. Ces poignées représentent soit un oiseau, soit un autre animal, toujours exécuté avec un art parfait. Les fourreaux sont en cuir ou en bois recouvert d’une laque très fine, et l’acier des lames est, à ce qu’il paraît, d’une qualité sans rivale. On dit qu’une épée japonaise, de la plus fine trempe, coupe en deux, sans s’émousser, une épée européenne. Le baron Gros a dû rapporter en France une collection de ces armes excellentes ; mais le prix en est très élevé. C’est également d’acier que sont faits les miroirs. Les Japonais travaillent le verre avec une légèreté et une adresse étonnantes ; cependant ils n’ont pas eu l’idée d’en fabriquer des glaces, mais leurs miroirs d’acier sont parfaitement polis et souvent encadrés dans des sculptures très délicates.

L’agriculture n’est pas dans une moindre prospérité que le commerce intérieur et l’industrie. Les visiteurs s’accordent à dire que, dans les endroits où la côte ne descend pas brusquement à la mer en rochers et en falaises, l’œil est enchanté du riche déploiement des cultures ; les plantations s’allongent en bandes égales qui de loin zèbrent le dos et les pentes des collines, tandis que des bois aménagés savamment, les uns en vue de la construction, les autres pour le chauffage, couronnent ces riantes campagnes. Dans l’intérieur du pays, il en est de même ; une loi veut que toute terre produise, et, comme en Chine, on voit se succéder, les unes près des autres, à de courts intervalles, les cultures les plus variées. Il y a de riches propriétaires ; mais le terrain est morcelé et affermé par étendues peu considérables, depuis un demi-arpent, dit-on, jusqu’à deux ou trois au plus. Il en résulte que la moisson n’excite pas un grand mouvement dans les campagnes : chaque propriétaire ou fermier, armé d’une lame attachée à un manche en bois long d’un pied, car ils ne se servent pas de faux et de faucilles, vient aisément à bout de sa besogne. Ces petites pièces de terre sont fumées, arrosées ou drainées avec un soin minutieux. On y sème alternativement du blé, du seigle et de l’orge ; plusieurs espèces de ces céréales viennent également