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des collines semées de maisons à thé. Le magnolia avec ses larges fleurs blanches et pourpres, le paulownia aux branches couvertes de bouquets, des pêchers dont la fleur au printemps égale le volume de la rose, tous nos arbres fruitiers, des plantes grimpantes, des arbustes en fleur, prêtent leur parfum et leur ombrage à ces maisons de plaisir, toujours situées, comme à Nagasaki, dans des positions d’où la vue embrasse les plus charmantes perspectives, quelquefois au-dessus d’un torrent ou au bord d’un ruisseau.

La ville septentrionale du Japon dont le port nous est ouvert, Hokodadi, commence aussi à être assez bien connue par les relations anglaises, américaines, et par la visite qu’y fit en 1855 le capitaine de vaisseau français Tardy de Montravel ; elle n’offre en réalité qu’un intérêt secondaire. Cette ville est située sur le détroit de Sangar, qui sépare l’île de Yeso de Nippon. La presqu’île sur laquelle elle est bâtie est reliée à la grande terre par un isthme sablonneux et bas où s’élèvent quelques dunes recouvertes de broussailles. C’est un massif de mornes ardus, à crêtes tourmentées, descendant au rivage en pentes rapides. On voit de loin, en mer, les mâtures des navires et des jonques à l’ancre dans le port, et Hakodadi apparaît comme une île. Son mouillage est bon et sur ; ses rues, comme dans toutes les villes japonaises, sont droites et régulières ; les maisons y sont construites en bois, et la plupart à un seul étage, avec des espèces de greniers qui servent de magasins ; de larges baquets d’eau sont placés sur les toits en cas d’incendie, et ceux-ci s’étendent au-delà de la muraille, offrant une double protection contre la pluie et le soleil. La plupart des maisons ont des boutiques où l’on vend du charbon, toute sorte de poteries, des sandales, des ombrelles, des pièces de calicot, des livres d’images, des jouets, des pipes, du tabac, de la coutellerie, des laques, des vêtemens de soie commune et de papier huilé. Le marchand est accroupi au milieu de tous ces objets, fumant ces petites pipes japonaises qui ne tiennent qu’une ou deux bouffées, et prenant du thé. Quelquefois une demi-douzaine d’enfans se pressent autour de lui ; si un acheteur se présente, ils l’assaillent de leur petit vocabulaire anglais : Good day, English ! how you do, English ! Derrière la boutique sont confinées la chambre à coucher et la cuisine où l’on prépare le riz et le thé. Les amateurs ne s’accordent pas bien sur la qualité du thé japonais : les uns le vantent comme bien supérieur au thé chinois, tandis que d’autres le déclarent inférieur à celui-ci. La culture est cependant la même dans les deux pays ; le thé japonais provient de semences et pousse sur les flancs des collines. Les feuilles sont arrachées trois fois l’an : au printemps, encore en bouton (le thé provenant de cette première cueillette répond au poudre