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à oppresser les poitrines. La neige ne se présente qu’à une grande hauteur, et s’étend alors en nappes considérables. Enfin, dans la seconde journée de cette ascension, on arrive au sommet. Les bassins d’eau autour du temple sont profondément gelés ; toutefois les voyageurs ne trouvèrent pas le froid aussi intense qu’on pouvait s’y attendre : le thermomètre, à midi, à l’ombre, marquait 58 Fahrenheit.

Le temple de Fusi-yama est une simple hutte renfermant des dieux en lave et des ornemens de métal brillant. Le cratère éteint, qui s’ouvre près du temple, a une lieue de tour et dix-huit cents pieds de profondeur. La hauteur du sommet a été fixée par les observations de M. Robinson à quatorze mille pieds anglais (4,270 mètres). « Le temps était radieux, dit le narrateur de cette importante excursion[1], et la pureté de l’atmosphère nous permit de jouir pleinement de la vue magnifique qui se déroulait à nos yeux : de nombreux promontoires s’avançant dans la mer, des chaînes de montagnes traversant l’île dans toute sa longueur, des rivières serpentant au fond de vallées couvertes de la plus riche verdure… Nulle part on ne saurait voir de paysages plus variés, plus enchanteurs que ceux que l’on rencontre entre Yédo et le Fusi-yama. On passe d’une avenue d’arbres majestueux à des champs de blé, à des buissons couverts de fleurs, d’une épaisse forêt à un chemin bordé de haies de chèvrefeuille, derrière lesquelles de jolis cottages blancs apparaissent dans les touffes de verdure. Le pays est bien cultivé ; on voit des champs nombreux de blé et de millet, quelques plantations de coton, de tabac et de thé ; les légumes et les fruits abondent. Une chose cependant nous frappa : c’est l’absence presque complète d’animaux. Nous ne vîmes ni bétail, ni oiseaux, ni gibier, seulement des chiens, des poules et quelques chevaux servant de bêtes de somme. On nous assura néanmoins que les montagnes au-delà du Fusi-yama abondent en petits chevaux sauvages, en daims et en sangliers. » L’autorité japonaise avait préparé des relais, des rafraîchissemens, des bains ; partout la petite expédition était reçue par les autorités, qui l’escortaient jusqu’à la limite de leurs gouvernemens respectifs. Les populations étaient affables, curieuses sans importunité, pleines d’empressement et de respect. C’est une remarque faite par tous les voyageurs que la bienveillance et la gaieté semblent le caractère général des physionomies japonaises.

Ce n’est que de loin en loin que le Fusi-yama témoigne sa colère dans de grandes éruptions. La dernière méritant d’être signalée se produisit en 1707 : le volcan lança des débris à plusieurs lieues de distance ; d’énormes masses de rocher, de la lave, du sable, se répandirent

  1. M. de Fonblanque, attaché au consulat anglais ; — lettre du 20 septembre 1860 dans le Bulletin de la Société de Géographie de Genève, décembre 1860.