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lingot vaut 20 livres sterling. Ensuite vient le cobang, plus maniable, qui représente 1 livre 10 shillings, puis les itzibus de différente valeur en or et en argent, petites pièces ovales et rondes, valant de 7 shillings 6 pence à 1 shilling 10 pence ; ensuite il n’y a plus que la menue monnaie de cuivre et de fer. Tout cela porte l’empreinte du coin de la monnaie : une fleur et des caractères japonais. Il est interdit de céder des pièces du pays aux étrangers. Durant son excursion au Japon à travers Nagasaki, Simoda et Yédo, M. Oliphant ne put se procurer qu’un seul itzibu. La mission française régla assez facilement ses comptes avec des piastres mexicaines admises au prix de 5 fr. 35 cent, et répondant à trois itzibus de 1 fr. 78 cent. D’après le traité, l’or européen est admis pour l’équivalent de son poids en or japonais ; mais celui-ci est beaucoup plus pur, et c’est en ne tenant pas compte de cette différence que les négocians européens ont réalisé sur le change des profits illicites qui les ont fait justement accuser de mauvaise foi par les Japonais. Les piastres, les dollars et autres monnaies de l’Europe ou des États-Unis ne conservent pas longtemps leur physionomie étrangère : on les fond pour en faire non des pièces japonaises courantes, mais une monnaie particulière, appelée nickon, de la valeur environ d’un demi-dollar, et dont les Japonais prétendent limiter l’emploi aux échanges avec les Européens. Ceux-ci protestent et soutiennent que ce procédé n’est pas conforme aux stipulations des récens traités qui portent : « Les sujets de telle ou telle nation et les sujets japonais pourront faire librement usage de l’argent étranger ou de l’argent japonais dans leurs paiemens. » De là des différends qui, dans ces derniers temps, ont beaucoup aigri les relations.

L’agent chef du comptoir hollandais, M. Donker Curtius, a obtenu, il y a deux ans, la permission d’accomplir par terre le trajet qui sépare Nagasaki de Yédo, et s’il écrit la relation de son voyage de deux mois à travers le Japon, il pourra nous donner sur l’intérieur de ce pays, et particulièrement sur la grande ville d’Osaka, des renseignemens que l’on attendrait vainement d’ailleurs. Un tel voyage est un fait encore exceptionnel ; il faut toujours, pour se rendre de Nagasaki à la capitale, reprendre la mer, doubler la pointe méridionale de Kiou-siou et prolonger la côte de Sikokf. Les rares bâtimens qui ont accompli ce parcours s’arrêtent à deux étapes voisines du but de leur voyage, Simoda et Kanagawa.

L’approche de la côte de Nippon, où sont situées Simoda et la capitale, est annoncée de loin en mer par le Fusi-yama, pic volcanique haut de plus de 4,000 mètres, dont le sommet, couvert de neiges éternelles, se perd dans les nuages. Ce pic gigantesque, baignant ses dernières pentes dans la mer, et prolongeant au loin sa masse et ses ramifications à travers l’île, forme, à ce que disent les