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voyage ont été publiées dans presque toutes les langues de l’Europe par de simples officiers qui ont eu la fortune, naguère si rare, d’entrer dans Yédo. Un fait qui ressort du témoignage unanime de ces visiteurs, c’est la bienveillance constante de leurs hôtes, la dignité et la finesse de leur esprit, leur obéissance envers leurs chefs, l’inaltérable respect qu’ils portent à la loi. Cela ne veut pas dire que le Japon soit un pays parfait ; on verra que, sous le rapport du gouvernement et des mœurs, il présente d’étranges contradictions. Il est encore très semblable au portrait qu’en ont tracé Kaempfer et Charlevoix. Il faut d’ailleurs reconnaître que beaucoup des notions récemment acquises sur le Japon restent superficielles, parce que les renseignemens sont puisés à des sources extérieures et peu complètes, aucun Européen n’ayant jamais pénétré dans l’intimité japonaise. Toutefois le point d’observation n’est plus concentré à cet îlot étroit où quelques marchands hollandais ont, durant deux siècles et demi, traîné leur misérable existence ; il y a aujourd’hui trois principales stations, au midi, au centre, au nord, par lesquelles on peut entrevoir le Japon. Le spectacle est attrayant, et ce n’est pas non plus une petite satisfaction, par-delà les populations avilies ou arriérées de l’extrême Asie, que de pouvoir enfin, dans cet archipel retiré du Grand-Océan, saluer des hommes.


I

Les points de la côte où les Européens et les Américains sont autorisés par les derniers traités à se mettre en communication avec les Japonais se trouvent répartis le long du vaste archipel dans trois îles différentes. Ce sont d’abord, comme par le passé, Nagasaki à la pointe ouest de Kiou-siou, l’île la plus méridionale du groupe principal ; puis Kanagawa, récemment ouvert en remplacement de Simoda, accordé lors des premières négociations. Ce port est situé au fond même de la baie de Yédo, à très peu de distance de cette capitale, sur la côte est de la grande île de Nippon, longue de trois cents lieues, large de soixante à quatre-vingts, dont le nom défiguré est devenu, dans notre langue, Japon. On dit qu’il signifie soleil levant. Au nord, nous a été ouvert Hakodadi sur le rivage méridional de l’île Yéso. À partir de janvier 1860 a dû s’ouvrir Néé-é-gata sur la côte ouest de Nippon ; mais nous n’avons encore aucun renseignement sur ce point. Enfin, le 1er janvier 1863, un nouveau port d’une extrême importance sera accessible aux étrangers : c’est Hiogo, près de la grande ville d’Osaka, à la pointe sud de Nippon, situé à vingt lieues de Miako ou Kioto, résidence du souverain spirituel.

Les ports rendus accessibles aux Européens s’étendent environ du 32° au 42e degré de latitude nord : c’est à peu près la hauteur