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le coup d’état. Il ne voulut point d’équivoque et répondit par un refus. Son intention était de rester désormais étranger aux affaires publiques ; il avait pour les institutions qui venaient de succomber un attachement raisonné et profond ; elles étaient pour ainsi dire la trame de sa vie ; il leur devait ce qu’il était, son nom, sa notoriété ; tous ses travaux, toutes ses études s’y rattachaient ; les renier, c’eût été se renier lui-même ; les sacrifier à ses intérêts lui eût semblé une tache ineffaçable. Là-dessus il n’avait besoin ni de conseils ni d’exemples ; il agissait comme il sentait. Quelle fatalité pourtant que celle dont il était le jouet ! En 1848, il arrivait à peine aux honneurs de la vie publique qu’une révolution éclatait pour la briser. C’était une première épreuve, il en avait triomphé. À l’aide de longs efforts et par une lutte soutenue, il avait pu refaire, affermir, agrandir sa position, et voici qu’elle s’écroulait de nouveau sous le poids d’événemens qu’il n’avait pu ni prévoir ni empêcher. Cette fois il comprenait qu’il ne s’agissait pas d’un éloignement passager, mais d’une retraite définitive. Il s’y résigna néanmoins sans hésitation, si ce n’est sans douleur. Sa vie fut dès ce moment une vie de recueillement et d’étude. Il revint à ses travaux favoris, y chercha l’oubli ou le soulagement de ses regrets. Les témoignages de l’estime publique ne lui manquèrent pas d’ailleurs ; on s’empressait chez lui, il était recherché partout ; on lui demandait des conseils, des règles de conduite. Un instant il eut la pensée de se remettre sur les rangs pour la députation ; quelques électeurs de la Marne l’y invitaient, il avait dans ce département une situation que le courant nouveau des opinions avait affaiblie plutôt que détruite. Quelques chances lui restaient, et les risques ne l’effrayaient pas. La réflexion le guérit de ce retour vers d’anciennes habitudes. Un échec l’eût diminué, et il eût été bien embarrassé d’un triomphe. Quel usage faire d’un mandat mutilé ? Mieux valait se renfermer dans cette protestation silencieuse, qui est la revanche et la dignité des vaincus.

Son activité trouva bientôt d’autres issues. Son beau-frère, M. Wolowski, avait entrepris de donner à une idée dont il était préoccupé la consistance d’une institution ; il voulait introduire en France, en l’appropriant à nos habitudes, une de ces compagnies de crédit foncier qui rendaient de grands services en Allemagne ; il y apportait une notion approfondie des faits, une science et une droiture éprouvées. Faucher s’associa à cet enfantement, y consacra son expérience. L’établissement qui en est issu est inséparable des deux noms qui ont présidé à son origine. Le concours de Faucher ne fut ni moins actif ni moins utile pour l’achèvement du chemin de fer du Midi, qui en était encore à cette période pénible qui précède les exploitations. Il était membre du conseil d’administration ; on songeait