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des chicanes, des pièges tendus et des complots enveloppés de mystère. Aux attaques ouvertes se mêlaient des plans d’usurpation agités dans les conciliabules. La majorité s’était prononcée dans une résolution qui prêtait à l’équivoque ; il s’agissait de donner à cette résolution la valeur d’un acte, d’en fixer les termes, la date, les modes d’exécution, de préparer et d’assurer le périlleux passage d’une constituante à une législative, qui du jour au lendemain devaient se succéder sur les mêmes bancs. L’honneur du cabinet y était attaché, et la tâche fut dignement remplie. Pendant une semaine, l’homme éminent qui présidait ce cabinet, M. Odilon Barrot, occupa la tribune pour ainsi dire en permanence, disputant à force d’éloquence les heures, les minutes aux tronçons de cette assemblée déjà dessaisie et dont l’agonie était menaçante. Faucher eut moins de bonheur ; il resta enseveli dans le triomphe commun. Il avait conduit les élections, et pour combattre le déchaînement des partis, il avait usé d’un moyen d’influence qui aujourd’hui n’amènerait sur les lèvres que le sourire. La veille et le jour du scrutin, il avait, par le télégraphe, communiqué à quelques départemens les résultats d’un vote récemment émis en citant les noms qui avaient pris couleur pour ou contre. Rien de plus légitime et de plus inoffensif ; il en sortit pourtant un orage. La partie ardente de l’assemblée s’empara de ce grief ; la partie modérée déserta le champ de bataille. De telles passions régnaient sur les bancs de la gauche qu’un sacrifice parut nécessaire pour y faire diversion ; Faucher s’était engagé un peu à l’aventure, on l’abandonna comme une victime désignée par la fatalité ; on acheta le salut, public par une injustice. L’homme politique soutint cet isolement avec sa fierté ordinaire ; il fit face à l’ennemi et ne rendit pas les armes sans combat. Au scrutin, 519 voix se prononcèrent contre lui, 5 voix l’appuyèrent, près de 400 s’abstinrent. Il subit tranquillement cet arrêt, et donna sa démission. Cependant le département de la Marne venait de renouveler son mandat et de lui ouvrir les portes de l’assemblée législative. Dès les premiers jours de la session, il voulut que le procès qu’il venait de perdre fût porté devant les seuls juges qui auraient dû en connaître. C’était dans l’Yonne que sa dépêche télégraphique avait causé le plus d’émotion : les 5 et 6 juin 1849, il monta à la tribune pour soutenir la validité des élections de l’Yonne, restitua aux faits leur caractère et présenta sa conduite sous son véritable jour. La réparation fut complète : aux deux tiers de ses voix, la nouvelle assemblée déclara que les mandats étaient réguliers, mettant ainsi à néant et le blâme passé et les conséquences qu’en voulaient tirer les casuistes de la montagne contre l’ensemble des pouvoirs de la législature. Dans ce débat, un fait fut mis en évidence, à la louange