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ainsi accès dans un grand nombre de commissions. Au besoin, il joignait à la réserve une hardiesse qui devançait les temps. En avril 1847, un projet de loi proposait d’abaisser à 250 francs la coupure du billet de la banque de France ; Faucher demanda par un amendement que cette coupure descendît à 100 francs. Aujourd’hui ces billets nous sont devenus familiers ; c’était alors une grande nouveauté. L’orateur prouva, dans un fort bon discours, que sa limite pouvait être adoptée avec avantage ; il cita l’Angleterre, la Russie, l’Autriche, nos propres banques de départemens, comme des exemples à l’appui. L’amendement fut rejeté, les esprits n’étaient pas mûrs ; il fallut la violente secousse que les événemens allaient imprimer aux institutions de crédit pour emporter un résultat que Faucher voulait obtenir d’un libre consentement. On a pu voir à l’essai combien ses vues étaient justes et quels bénéfices devait recueillir la circulation d’une combinaison aussi commode que profitable, qui a promptement pénétré dans les habitudes. Dans une autre circonstance, il ne montra ni moins de décision ni moins de bon sens. L’insuffisance des récoltes avait renchéri le prix des denrées ; on cherchait des expédiens pour y remédier. Faucher profita de l’occasion pour parler le langage des principes à une chambre qui les tenait pour suspects et poussait les préventions jusqu’à l’intolérance. De concert avec un petit nombre de collègues que n’effrayait pas leur isolement, il demanda que la franchise des droits fût étendue à tous les produits alimentaires. En temps de disette, la prétention n’avait rien d’excessif ; il semblait que pour le soulagement des classes nécessiteuses tous les partis devaient s’y rallier. Elle avorta pourtant devant la coalition permanente des intérêts agricoles et manufacturiers ; la majorité de la chambre n’entendait pas qu’on lui forçât la main ; elle ne cédait aux circonstances, si impérieuses qu’elles fussent, que ce qu’elle n’aurait pu défendre sans danger pour la paix publique ; elle avait cette faiblesse commune à tous les pouvoirs qui ne voient d’autre horizon que le leur, et ne savent ni s’abstenir de ce qui leur convient, ni aller au-devant de ce qui les menace.

Ces travaux parlementaires ne suffisaient pas à l’activité de Faucher ; il était mêlé au dehors à tout ce qui s’agitait dans l’ordre de ses idées. L’association qui s’était formée à Paris pour répandre les notions de la liberté commerciale n’avait pas de plus infatigable athlète ni de défenseur plus dévoué. Dès le début, il entra dans le comité d’exécution, et s’il en sortit pour quelques dissidences de détail, son concours n’en fut pas moins actif pour propager les idées de l’association. On le trouvait toujours prêt à payer de sa personne dès qu’il s’agissait d’un engagement décisif. À diverses reprises, il parut sur l’estrade des réunions publiques qui se tenaient dans la salle