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des travaux plus achevés, dont le temps est l’auxiliaire ; il y était résigné : il était de ceux qui préfèrent la considération à la fortune. Fallût-il pour cela souscrire à quelques sacrifices, il y était résolu. Sa correspondance en témoigne. « Nous allons encore faire des réformes, écrivait-il[1], diminuer notre loyer, notre, état de maison, nos dépenses extérieures, et nous réduire au plus strict nécessaire. Nous n’en serons pas plus malheureux. » Son parti une fois arrêté, il se mit à l’œuvre, et commença dans cette Revue la série de ses Études sur l’Angleterre, qui prirent les proportions d’un ouvrage auquel il consacra deux années de recherches et de travaux. Ce n’est pas uniquement dans les livres ni dans les documens officiels qu’il en puisa les élémens ; il voulut s’éclairer par ses yeux, vérifier lui-même jusqu’à quel point étaient fondées les lamentables enquêtes qui se succédaient devant le parlement. Il vit donc avec soin l’Angleterre et Écosse, séjourna dans les grandes villes, parcourut les districts manufacturiers, les ports de commerce, recueillant partout des informations sur les mœurs, les habitudes, les intérêts des diverses classes, surtout de celles qui vivent du salaire et pèsent sur l’économie d’une société par le nombre autant que par les besoins. Cette inspection achevée, il en dégagea pour ainsi dire la substance, classa les témoignages, résuma ses impressions, et les livra à la publicité. Ces Études eurent un succès réel et légitime ; le talent de Faucher s’y montrait dans toute sa maturité, plus contenu dans ses appréciations, moins impétueux dans la forme. La réputation de l’auteur en fut mieux assise, et ce livre est resté le titre le plus saillant, le plus durable auquel il ait attaché son nom.

Aujourd’hui que les Études sur l’Angleterre sont classées et qu’elles ont résisté à l’épreuve du temps, on peut avec une entière liberté d’esprit en signaler les imperfections. L’ouvrage a une date et en porte trop fortement l’empreinte ; il se ressent d’influences accidentelles. Lorsque Faucher visita l’Angleterre en 1843 et 1844, elle était livrée au trouble intérieur qui précède les grandes réformes. Ce trouble avait quelque chose d’artificiel dont un jugement comme le sien aurait dû mieux se défendre. De parti-pris on empirait les faits pour trouver dans l’émotion publique un point d’appui contre les résistances des corps constitués. Ces mises en scène sont fréquentes chez nos voisins, et ils n’épargnent rien pour en grossir l’effet. N’a-t-on pas vu récemment, à propos de la défense des côtes, éclater une panique dont l’imagination faisait les frais, et qui a couru sur tous les comtés, accompagnée d’un long bruissement d’armes ? Il s’agissait de disposer l’opinion à une forte demande d’argent : une fois les millions votés, l’effervescence s’est calmée toute seule, et peut--

  1. Lettres à M. Beaufer.