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marqués pour la clarté des aperçus, la patience des recherches, le ton ferme de l’écrivain. Des emprunts heureux faits aux sources étrangères en augmentaient l’intérêt et donnaient lieu à des rapprochemens où l’à-propos se mêlait à l’érudition. Çà et là des défauts de jeunesse peuvent se relever ; sur divers points, le jugement de l’auteur est excessif, et n’a pas rencontré la vraie mesure. Ainsi, dans un parallèle entre la presse anglaise et la nôtre, il nous place bien haut et nos voisins bien bas ; il eût été de bon goût de se montrer plus juste. Même alors les nuances que signalait Faucher étaient forcées ; elles le paraissent encore plus aujourd’hui. Peut-être faut-il expliquer cette exagération par les circonstances où il écrivait. Il voyait commencer parmi nous le règne de l’annonce, et, pénétré de ses devoirs d’état, il essayait d’arrêter le journal sur cette pente, qui lui paraissait aboutir au trafic des opinions. De là un tableau de fantaisie qui rendait mieux ses propres impressions que la réalité des faits : pour empêcher la profession de déchoir, il l’entourait d’une auréole et y traçait un modèle.

Des ouvrages plus considérables avaient encore marqué cette période des débuts. L’un d’eux traitait de la Réforme des Prisons ; un autre, sous le titre d’Union du Midi, se rattachait à un plan général de réformes dans notre tarif des douanes. Sans insister sur le premier, on peut dire qu’il résume en quelques pages tout ce que la question pénitentiaire offrait et offre encore de problèmes, d’embarras et de difficultés. Faucher y propose plus d’expédiens que de doctrines, des idées plus ingénieuses que vérifiées, des classemens qui auraient besoin de la sanction de l’expérience, et dont les dépenses d’exécution sont plus manifestes que l’efficacité. Une idée pourtant y est en germe, c’est celle des pénitenciers agricoles, qui ont pris récemment quelque crédit. Si dans tout cela l’homme de bien est toujours en évidence, le criminaliste laisse parfois à désirer. Le second ouvrage est de beaucoup supérieur. L’auteur entre dans un sujet qui allait lui devenir familier, et par des titres solides lui ouvrir les portes de l’Institut. Déjà, par les articles qu’il livrait au courant de la presse, on avait pu juger que la science économique avait peu de secrets pour lui ; il y suivait les voies ouvertes par les maîtres, en connaissait la langue, en professait les principes. L’Union du Midi prouva mieux que cette érudition n’avait rien de superficiel, et qu’au besoin elle irait jusqu’au fond des choses. Faucher ne se résignait pas à voir dans l’économie politique une arme de luxe, destinée à ne pas sortir du fourreau ; il éprouvait quelque impatience à la sentir renfermée dans les écoles ; il lui semblait que, sans cesser d’être spéculative, comme il convient à une science, elle avait tout à gagner à devenir plus expérimentale. Le champ était si vaste et le bienfait si grand pour les peuples qui les