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leurs maisons, et, selon la coutume, se mettront au service de quelque chef de bandes.

En nous quittant, Gablan avait recommandé à Antonio de ne pas traverser sans information la vallée du Jourdain ou Diab, le généralissime des Adouans, devant, avec une forte troupe, tenter un coup de main sur les troupeaux des Beni-Sacher. Les renseignemens sont favorables, nous partons, et l’ordre est donné par le chef de notre caravane d’escorter avec vigilance les bagages ; Nous traversâmes sans être inquiétés, la tribu des Beni-Sacher et atteignîmes la rive droite du Jourdain, rive où le voyageur retrouve la sécurité. Cependant les troupeaux vus le 30 dans la vallée ne paraissaient pas ; Diab avait-il fait sa razzia ? Oui, fut-il répondu à Antonio par un Beni-Sacher. Le drogman, jugeant d’après la date et ses souvenirs, pensa que c’était sur les renseignemens innocemment donnés par lui à Gablan que la tentative de Diab avait été décidée. Comment cette tribu, que la perte de ses richesses aurait dû rendre hardie, n’a-t-elle pas songé à réparer un peu à nos dépens sa fortune compromise ? C’est sur quoi nous devisions à la halte, dans un khan délabré, à la tête d’un pont romain qui nous avait servi à traverser le fleuve. En cette circonstance, comme en tant d’autres, la fortune nous avait bien servis. L’expédition que des esprits timides nous avaient déconseillée était maintenant accomplie et justifiée par le succès. Le soir, nous campions de nouveau sous les murs de Tibériade.


II

Un mois plus tard, nous entreprenions une exclusion analogue, avec des Anezé pour guides et les ruines de Palmyre pour but. Cette excursion avait été préparée à Damas. C’est dans cette ville que demeure habituellement le chef d’une fraction des Anezé, les Sebah, qui sont maîtres du désert de Syrie entre Homs et l’Euphrate. Ce chef s’est fait une renommée jusqu’en Europe, non par ses exploits, mais par son mariage. Dernièrement il plut à une dame de haut rang, déjà célèbre par ses aventures. Voyageant dans le désert de Syrie, elle eut pour guide cet Arabe, nommé Mighuel ; s’en éprendre et lui demander de l’épouser fut pour elle l’affaire d’un instant. L’Arabe refusa pendant six mois, reculant devant cette idée : épouser une chrétienne ! Enfin, poursuivi à outrance et tenté par vingt-cinq mille livres de rente, fortune immense pour un Bédoouin, il fit ce qu’Henri IV aurait appelé le saut périlleux et accepta ; mais, comme dans les romans bien conduits, l’aventure, près de sa fin, fut prolongée par un incident. Le consul d’Angleterre met opposition au mariage de Mme ***. Elle fuit au désert avec son fiancé ; là