Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/159

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA POLOGNE
UN SIECLE APRES LE PARTAGE
ET L'AGITATION DE VARSOVIE

Le monde est plein de peuples victimes, sur le malheur desquels on arrive presque à se rassurer dès qu’on a fait cette merveilleuse découverte, qu’ils ont pu un jour ou l’autre mériter leur destin, comme si les forts, eux aussi, ne commettaient jamais de fautes, comme si la justice était toujours la compagne de la fortune. Et pourtant à quoi tiennent ces crises d’anarchie qui se déclarent parfois dans les relations universelles, ces déchiremens qui nous font assister à la confuse désorganisation de tout un ordre politique dans la déroute éperdue de toutes les combinaisons et de toutes les prévoyances ? Ils tiennent le plus souvent à des vices originels cachés au plus profond d’une situation, à des violences primitives qui laissent les peuples désarmés il est vrai, mais qui pèsent aussi sur les gouvernemens eux-mêmes, qui réduisent les uns à une révolte infatigable, les autres à une compression fatalement croissante, et finissent par créer une de ces mêlées où s’agitent à la fois tous les droits, tous les principes, tous les griefs accumulés, où des causes qu’on croyait perdues reviennent à leur tour en appeler à l’opinion, devenue une puissance nouvelle. L’histoire tout entière de la Pologne est là pour prouver ce qu’il en coûte de violences, de luttes toujours renaissantes pour vouloir faire entrer dans le droit public, dans ce vague et redoutable domaine des faits accomplis, la suppression d’un peuple.

Il y a bientôt un siècle que trois puissances, unies par la plus triste et la plus dangereuse des solidarités, travaillent à cette œuvre,