Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 33.djvu/150

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Vers ce temps, elle débuta au théâtre de Liverpool dans le drame de Masaniello, où elle jouait le rôle de Fenella. L’actrice avait alors un grand désavantage : elle ne savait pas l’anglais. Même après un long séjour dans la Grande-Bretagne, son accent est resté fidèle, comme elle dit, à sa mère-patrie. Les Anglais, qui connaissent les difficultés énormes de prononciation qu’oppose leur langue à un étranger, se montrèrent indulgens sur ce chapitre, et reconnurent chez la débutante des qualités rares et délicates. On accuse même aujourd’hui Mme Céleste d’avoir mis une certaine coquetterie d’artiste à conserver un accent français qui, du moins dans la bouche d’une femme, semble plaire singulièrement au public d’outre-mer. Après avoir joué dans le drame et dans la pantomime à Edimbourg, à Dublin et dans d’autres villes du royaume-uni, elle parut enfin en 1833 à Drury-Lane, où elle échoua. Puis, par un de ces retours de l’opinion, aussi capricieuse souvent que la fortune, elle obtint, quelques années après, au même théâtre et dans la même pièce, un succès d’enthousiasme. Cependant, aux termes de son engagement, elle retourna aux États-Unis. Cette fois sa marche fut un triomphe : saluée par les soldats sous les armes, applaudie par la multitude jusque dans les rues, décorée du titre de citoyen libre de l’Union, elle fut pendant quelque temps l’idole de la société américaine. Comblée d’honneurs et d’argent, Mme Céleste traversa pour la quatrième fois le ruisseau de l’Atlantique, et revint se fixer en 1837 dans sa terre d’adoption, la bonne et vieille Angleterre. Après avoir joué à Drury-Lane et à Haymarket, après avoir même rempli des premiers rôles dans les drames de Shakspeare, elle s’arrêta longtemps à l’Adelphi Theatre, où elle maria son talent à celui de M. Webster. Plusieurs pièces anglaises modernes lui doivent une grande partie du succès qu’elles ont obtenu. Enfin, ayant rompu en 1859 son association avec M. Webster, Mme Céleste voulut avoir un théâtre à elle. La salle du Liceum était vacante, elle la prit, et le 29 novembre de la même année elle prononçait, selon la coutume anglaise, un discours d’ouverture où elle exposait ses vues sur la direction du théâtre. Cette actrice est fort goûtée du public de Londres. Ce qu’on aime chez elle, c’est la légèreté, la grâce, l’élégance parisiennes façonnées en quelque sorte à la mode anglaise. Le Liceum joue le drame romantique, la comedietta, le vaudeville.

Les autres théâtres du centre de Londres ne nous apprendraient rien de nouveau, du moins au point de vue qui nous occupe ; nous y retrouverions d’anciennes connaissances plus ou moins altérées par leur passage en Angleterre. À Saint-James’s Theatre, un des théâtres de Londres les plus élégans, se rencontrerait une Dame de Saint-Tropez qui a figuré sur nos scènes de boulevards, et où