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vis de her Majesty’s Theatre, autrement dit l’opéra italien. Le petit théâtre de Haymarket, comme l’appellent les Anglais avec une sorte de tendresse paternelle, a toujours été plus renommé pour la comédie que pour le drame. Le manager est à présent M. Buckstone.

À la fois auteur, régisseur et acteur comique, John Baldwin Buckstone est une des figures les plus saillantes et les plus originales de la scène anglaise. En voyant aujourd’hui ce masque bouffon, dont le silence même provoque les éclats de rire de toute une salle, on a vraiment de la peine à se figurer que le même artiste fit ses premières armes vers 1823, au théâtre royal de la petite ville d’Oakingham, dans les rôles d’Hamlet ; d’Othello ; de Macbeth et de Richard III. La direction particulière de son talent paraît lui avoir été révélée par un hasard. Le bas comédien (low comedian, ce que nous appellerions le farceur de la troupe) était absent un soir, quand Buckstone reçut avis de se charger du rôle. C’était une demi-heure avant la représentation. Le rôle était celui de Gabriel, le domestique ivre, dans les Enfans.de la Forêt (the Children in the Wood). Le succès qu’il obtint ce soir-là lui ouvrit les yeux sur tout un côté de sa nature qu’il ne connaissait point encore. Il venait, comme on dit, de trouver sa veine. Buckstone ne renonça pourtant point tout de suite à la tragédie ; mais, après une sorte de combat entre ses premières illusions et sa vocation naturelle, il finit par s’attacher exclusivement à l’étude du côté comique de la vie, humaine. Sur ce terrain, il ne craint guère de rivaux. Mieux peut-être qu’aucun acteur vivant, il personnifie l’humour, la drôlerie britanniques. Son jeu est si parlant, que j’ai vu des Français, qui ne savaient point un mot de la langue anglaise, comprendre parfaitement, par le geste et la mimique de l’acteur, le caractère auquel il donnait la vie sur la scène. Buckstone pourrait s’appliquer ce vers d’Hamlet : « Je ne sais point ce que c’est que paraître ; je suis. » Il est en effet le personnage qu’il représente. Comme auteur dramatique, M. Buckstone occupe encore un rang distingué ; il débuta, il y a plusieurs années, sur un théâtre de Londres dans une pièce qu’il avait écrite, Luke the Laboureur ; depuis ce temps-là, près de cent cinquante comédies, drames et farces sont sortis de sa plume féconde. Dieu préserve ces pièces de vivre toutes ! Il y en a pourtant dans le nombre qui portent le cachet d’un esprit fin, vif et ingénieux ; telles sont : le Diamant brut (the rough Diamand), les Fleurs de la Forêt (the Flowers of the Forest), les Secondes Pensées (Second Thoughts), et les Buissons (Bushes), dont le succès, quoique déjà ancien, est toujours vert, pour me servir d’un jeu de mots anglais.

Une autre attraction de Haymarket est miss Amy Sedgwik. Je me souviens encore de la sensation que produisirent en 1858 les brillans