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sont ni des espèces minérales, comme le silex, la chaux ou l’argile, ni des êtres organisés proprement dits : ce sont les principes constituans de semblables êtres, ou, comme s’exprime la science, des principes immédiats. Pour s’emparer des matériaux inorganiques, la force qui produit et entretient la vie est obligée de construire d’abord ces groupes qui servent de lien entre la matière inerte et la matière douée d’un mouvement propre.

Comment procède l’analyse immédiate ? « Examinons un fruit, un citron par exemple, dit M. Berthelot. Cette matière n’est pas simple. Exprimons d’abord le citron, nous obtiendrons deux matières nouvelles : l’une liquide, douée d’un goût acide et sucré, c’est le jus du fruit ; l’autre solide et odorante, c’est l’enveloppe du fruit. Étudions-les séparément. En soumettant la partie liquide à l’analyse de façon à isoler les matières qu’elle renferme, sans cependant leur faire éprouver d’altération, nous la résoudrons dans un certain nombre de matériaux primitifs ou principes immédiats, tels que l’acide citrique, auquel est due la saveur acide, le sucre de raisin et le sucre de canne, dans lesquels réside le principe sucré, une substance analogue à l’albumine, etc., enfin de l’eau qui tient en dissolution les matières précédentes. L’acide citrique, le sucre de raisin, le sucre de canne, etc., en un mot chacun des corps composés par cette première analyse est doué de propriétés constantes et définies : on ne saurait le séparer en plusieurs substances nouvelles sans faire disparaître toutes ses propriétés. » On conçoit sans peine quel intérêt s’attache à l’étude de ces principes, qui sont les intermédiaires constans et nécessaires entre l’organisation et l’état inorganique. D’un côté la vie, de l’autre la mort, et, pour combler l’abîme, un monde ambigu de formes et de combinaisons spéciales où la vie choisit les agens de ses métamorphoses, où la mort reprend sans cesse tous les élémens qui échappent à l’action vitale. Puisque l’homme dans ses études ne peut procéder que du simple au composé, la première étape de la biologie, c’est-à-dire de la science de la vie, doit être forcément l’étude des principes immédiats. On ne peut comprendre une machine sans connaître les divers mécanismes qui s’y agencent et y exercent une action mutuelle.

L’étude des principes immédiats est la clé de voûte de l’édifice chimique. Ce n’est que vers le milieu du XVIIIe siècle qu’on commença à en comprendre l’importance et qu’on s’attacha à les isoler. Pour les obtenir, on profitait ordinairement de l’action même des forces naturelles : on recueillait le camphre sur l’arbre même qui le sécrète, les gommes sur les végétaux qui les portent, le coton sur le cotonnier ; les résines étaient obtenues au moyen d’incisions pratiquées sur les pins et les mélèzes, sur le sapin argenté ; on avait