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séparer, et l’alchimiste se demandait comment les substances si diverses qu’il s’efforçait d’analyser se réduisaient toujours dans les mêmes substances générales, eau, huile et gaz. Aucune différence entre ce qui provenait du poison et du contre-poison, de l’amer et du sucré, du froment et de la ciguë. La nature se jouait des théories. Ce résultat négatif avait pourtant une immense valeur. Il montrait que les composés organiques végétaux, réduits à leurs derniers élémens, ont une parenté manifeste et sont tous formés des mêmes corps simples ; les composés organiques provenant des animaux n’en diffèrent que parce qu’ils contiennent un corps simple de plus. Cette identité élémentaire avait de quoi étonner en présence de l’infinie variété du monde organique, des formes, des couleurs, des propriétés physiques et chimiques que nous y apercevons. Quatre corps simples ont suffi cependant pour bâtir ce miraculeux édifice. Associés en proportions variées, ils forment tous ces groupemens, dont le nombre est en quelque sorte infini. Les forces qui les rattachent s’équilibrent des façons les plus diverses, et ces équilibres, toujours changeans, se succèdent à travers des métamorphoses sans fin.

Les deux termes extrêmes de la chimie organique sont : d’une part le végétal ou l’animal vivant, de l’autre ces quatre corps simples, — carbone, oxygène, hydrogène, azote, — qui forment le tissu de toute substance organisée, et qui subsistent encore lorsque le principe mystérieux de la vie a disparu. L’analyse élémentaire est l’opération chimique qui ramène les matières organisées à ces derniers élémens ; elle opère ce que fait la mort elle-même, une véritable destruction, un retour de l’organisation à l’inertie primitive. Nécessaire pour nous démontrer la permanence, la simplicité fondamentale des élémens chimiques qui caractérise la nature vivante, l’analyse élémentaire ne nous enseigne en réalité rien sur les opérations à l’aide desquelles la vie s’assimile les corps simples, les fait circuler dans l’être organisé, les transforme, leur donne cette mobilité, cette délicatesse, ces grâces éphémères, cette exquise sensibilité, qui contrastent avec l’éternelle et froide immobilité du monde minéral.

C’est ici qu’intervient une opération qui fournit à la chimie organique les véritables élémens de ses délicates investigations : c’est l’analyse immédiate. Expliquons ce mot : les corps simples, dont l’analyse élémentaire révèle l’existence dans toute matière organisée, n’y sont pas mélangés au hasard ; ils s’y groupent de manière à produire des substances d’une composition chimique constante. Ces groupes, véritables espèces de la chimie organique, ne forment point isolément des êtres vivans ; mais tout être vivant les renferme en nombre plus ou moins grand. Le sucre, l’albumine, l’amidon, ne