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L'ECHELLE MOBILE
DEVANT
LE CORPS LEGISLATIF

On peut varier d’opinion, même parmi les économistes, sur quelques-unes des modifications apportées depuis un an à nos tarifs de douanes ; la révolution qui s’accomplit peut paraître à beaucoup d’égards trop brusque, trop radicale, trop arbitraire, même quand on en approuve le principe, et le bien réel qu’elle peut faire ne suffit pas pour justifier à tous les yeux la forme violente qu’elle a d’abord affectée. Nous en avons dit sans détour notre sentiment l’année dernière[1], et tout ce qui s’est passé depuis n’a fait que nous confirmer dans ce premier jugement ; mais il n’en est pas de même du projet de loi qui vient d’être présenté au corps législatif pour l’abolition de l’échelle mobile sur les céréales. Ici tout nous semble digne d’approbation, sauf peut-être quelques points de détail dont nous parlerons plus bas, et nous ne reculerons pas plus devant l’éloge que nous n’avons reculé devant la critique. Le principal mérite de ce projet, c’est d’être une loi et non un décret, d’aller au-devant de la discussion au lieu de la prévenir, de solliciter l’assentiment des représentans du pays au lieu de s’en passer, de supprimer enfin l’arbitraire au lieu de l’imposer. On peut dire sans exagération que, depuis bientôt dix ans, il n’y a plus de loi en matière de céréales ; le gouvernement a suspendu, rétabli, suspendu de nouveau l’échelle mobile, sans autre règle que sa volonté, et cette volonté même n’a pas toujours été bien arrêtée, car il est arrivé une fois que l’échelle

  1. Voyez la Revue du 15 février 1860.