Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/843

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dit-elle, force m’est, pour quelques momens, de vous emprunter votre siège. » Pourtant elle ne s’assit pas, mais, demeurant debout sur les degrés, elle regarda un temps, sans rien ajouter, les têtes pressées à ses pieds ; puis elle prononça les paroles suivantes, écrites à la volée par un jeune secrétaire-assistant, M. Rushworth. Vous pouvez être certaine qu’elles ont été fidèlement consignées au papier, car le roi les a revues le soir même, et avant qu’on ne les envoyât à l’imprimeur, il y a corrigé de sa main certaines inexactitudes[1].


« Messieurs, dit le roi, je suis peiné d’avoir à vous visiter en de si fâcheuses circonstances. Hier je dépêchai un sergent d’armes pour appréhender, sur de graves motifs, des gens qui, par mes ordres, étaient accusés de haute trahison. À cette occasion, j’attendais, non pas un message, mais d’être obéi. Et j’ai à vous déclarer que s’il ne fut ou ne sera jamais roi d’Angleterre plus soigneux de vos privilèges et désireux de les maintenir par toute sa puissance que je ne le fus ou ne le serai, encore devez-vous bien savoir que, dans le cas de trahison, personne ne peut réclamer de privilège. Et c’est pourquoi je suis venu m’assurer si les personnes accusées sont ici[2].

«… Car je dois vous dire, messieurs, qu’aussi longtemps que ces personnes accusées par moi, non de légers délits, mais de trahison, siégeront ici, je ne puis espérer que la chambre soit dans la bonne voie, ce que je souhaite de grand cœur. C’est pourquoi je suis venu vous dire qu’il me les faut, en quelque endroit que j’aie à les découvrir[3]

«… C’est bien. Puisque, je le vois, les oiseaux sont envolés[4], j’attends de vous que vous me les envoyiez dès qu’ils reviendront ici. Pourtant je vous donne assurance[5], et sur la parole d’un roi, que je n’ai jamais projeté aucune violence, mais procéderai contre eux loyalement et légalement, car je n’ai jamais entendu autre chose[6]… Et maintenant je vois que je ne puis faire ce pour quoi j’étais venu. Je pense néanmoins que l’occasion n’est pas mauvaise pour vous répéter ce que j’ai dit antérieurement, que tout et le plus[7] que j’aie pu faire en faveur de mes sujets, j’entends et prétends le maintenir. »


Vous n’aurez point de peine, connaissant la physionomie et l’accent de sa majesté, à vous faire idée de la lenteur, de l’hésitation, de l’embarras avec lesquels fut prononcé ce discours, qu’on écoutait

  1. Voyez, dans l’ouvrage de M. Forster, le texte primitif de cette transcription de Rushworth, avec les passages raturés et les mots rectifiés par le roi. — Arrest of the five members, p. 189.
  2. « … Jetant les yeux sur tous les membres présens, le roi dit : « Je ne vois aucun d’eux. Il me semble pourtant que je les reconnaîtrais. » Procès-verbal de Rushworth, passage raturé par le roi.
  3. « Sa majesté dit alors : « M. Pym est-il ici ?… » Personne ne répondit à cette question. » — Procès-verbal de Rushworth, passage raturé par le roi.
  4. Mes oiseaux, selon Rushworth.
  5. Je dois vous dire (Rushworth).
  6. Intended, mot transcrit par Rushworth. Meant, modification de la main du roi.
  7. Les mots et le plus, ajoutés par le roi au texte de Rushworth.