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comme Strafford, le lord Digby les a tout d’un coup abandonnés lors du procès de cet infortuné ministre, qu’il défendit de son mieux, et vainement, en parlant contre le bill d’attainder qui l’a perdu. Les gens des communes, furieux de cette défection, commencèrent par ordonner que le discours de lord Digby fût brûlé publiquement comme renfermant des doctrines de trahison. Puis, apprenant que le roi le voulait nommer son ambassadeur en France, à la place de lord Leicester, ils le déclarèrent expressément incapable d’occuper aucun emploi ou fonction dépendant de sa majesté. Après M. Crpmwell, M. Denzil Hollis prit la parole pour répondre à un discours que lord Digby avait prononcé la veille, et par lequel sa seigneurie avait voulu démontrer à la chambre haute que le parlement actuel ne délibérait pas librement, mais sous le coup d’une véritable oppression : paroles que M. Hollis signalait à la chambre comme essentiellement pernicieuses et dangereuses. Personne autre, à la séance du 28 décembre, ne s’offrit à parler. On a remarqué en général que par les temps difficiles les orateurs sont plus rares. En particulier ce jour-là les communes, à quelques exceptions près, me parurent effrayées des événemens qui se préparaient.

Le jour suivant, des citoyens qui apportaient une pétition à la chambre furent honteusement dispersés et battus par les gens armés qui, sortis des cours encombrées de White-Hall, se dispersaient en patrouilles dans les rues autour de Westminster. M. Cromwell reprit encore la parole pour insister sur la nécessité de donner des officiers qui eussent la confiance des représentans de la nation à l’armée en général, et particulièrement aux troupes destinées à l’Irlande. Pendant qu’il parlait, sur la requête d’un des membres, on fit comparaître un quidam, du nom de Rowley, pour recevoir une déposition qu’il avait à faire. Ce Rowley avait tout bonnement entendu dans Cheapside, le lundi précédent, un papiste français dire à un autre : « Il y a beaucoup de brise-raisons (hurly-burleys) du côté de Westminster. S’ils n’y prennent garde, ils nous amèneront, d’ici à peu, quinze mille Français qui viendront de France pour leur travailler les côtes. » Après ce beau rapport, un membre se leva pour témoigner qu’un prêtre français avait dit devant lui qu’il « espérait, avant peu, voir à la potence une demi-douzaine de membres du parlement. » Ce mot-ci, comme vous verrez, avait plus de valeur que l’autre, et m’a donné à penser que, parmi les prestolets qui hantent la cour, quelques-uns écoutent aux portes. Pour moi, quand me fut rapporté le propos répété par le membre en question (sir Arthur Haselrig), je le trouvai merveilleusement d’accord avec d’autres informations que M. de Montreuil et moi recevions d’une autre source, et qui, depuis trois semaines environ, nous tenaient en éveil. Pendant ces mêmes journées d’ailleurs, ce n’était