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à semer la zizanie dans son intérieur, elle ne devait avoir aucune prise sur sa volonté, désormais irrévocable. L’expulsion des Français eut lieu, le 1er juillet 1626, malgré la résistance qu’ils opposèrent à des procédés de plus en plus violens. Il ne fallut pas moins de quatre jours et de quarante voitures pour les reconduire sous escorte jusqu’à Douvres, où ils devaient être embarqués. Une foule curieuse et généralement hostile assistait à leur départ. Au moment où la belle Saint-Georges mettait le pied sur le bateau, non peut-être sans protester hautement par son attitude contre la violence qui lui était faite, un homme du peuple, quelque matelot ivre de bière, lui lança un caillou qui vint effleurer la coiffure assez étrange de la jeune Française, Un des seigneurs anglais qui l’escortaient, elle et ses compagnes, ressentit vivement cette indigne brutalité. Il marcha droit à celui qui s’en était rendu coupable, et, lui passant son épée au travers du corps, le jeta mort sur la place.

C’est à cette dame, si bien vengée seize ans auparavant, que, dans les premiers jours de 1642, le capitaine Hercule Langres adressa, en un style souvent incorrect, une relation des graves événemens qui venaient de se passer. Aussi avons-nous pris la liberté de rectifier plus d’une fois le procédé du narrateur et même de combler de nombreuses lacunes signalées à notre attention par les chroniqueurs du temps et les historiens qui ont, de nos jours, résumé, classé, éclairé l’un par l’autre les innombrables documens relatifs à l’épisode si curieux que nous voulons remettre en lumière. Le dernier surtout, M. John Forster, l’un des plus savans et des plus brillans reviewers de la presse anglaise[1], nous a fourni des matériaux précieux qu’il n’était point permis de négliger. Si cette relation ainsi reconstituée jette quelques lumières nouvelles sur un épisode essentiellement dramatique et d’une importance Incontestable, notre but sera complètement atteint. Ces explications données, la parole doit être laissée au capitaine Langres, témoin oculaire des scènes qui vont suivre, et qui s’y mêla peut-être plus activement qu’il ne lui convient de le dire.


I. — LA LUTTE.

Le grand intérêt que vous prenez au pays où nous sommes, et particulièrement à l’illustre princesse auprès de qui vous avez passé vos plus belles années, vous ayant portée, madame, à requérir de moi le récit des notables événemens qui viennent de s’accomplir, je

  1. Voyez le curieux volume qu’il a publié sous ce titre : Arrest of the five Members by Charles the First, a chapter of English Story rewritten ; London, Murray, 1860.