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pondu par les opinions connues de toute sa vie. M. de Cavour n’a point attendu la question romaine pour se déclarer ami de la liberté religieuse ; il s’est même opposé dans le parlement piémontais à l’incamération des biens de l’église. Ceux qui, comme M. de Cavour, ont trempé leur esprit dans une forte éducation libérale, bien loin de douter de sa sincérité, s’associeront à sa confiance. Il nous semble que les catholiques ne pourraient refuser les conditions qui leur sont offertes sans paraître douter de la vitalité et de la puissance de leur foi. Il n’est pas plus permis aux libéraux de douter des vertus de la liberté et d’affecter des craintes sur l’emploi qu’en pourrait faire l’organisation catholique. Il faut laisser à la tyrannie ces hypocrisies et ces lâchetés. Pour notre part, nous félicitons M. de Cavour de la persévérance avec laquelle il réclame la capitale de l’Italie et du grand acte de foi en la liberté par lequel il ouvre à la cour de Rome une large voie de conciliation.

Une des vertus ordinaires des temps de trouble et de rénovation tels que ceux que nous traversons est de susciter des hommes d’initiative et des caractères énergiques. S’il en est ainsi, il n’est pas de pays qui soit plus que l’Autriche dans les conditions où se produisent les hommes de cette trempe. La diète hongroise et les diètes provinciales de l’empire vont se réunir. Nous touchons donc au moment où, suivant les prédictions pessimistes, doivent éclater les déchiremens intérieurs de l’Autriche. Nous ne savons si les fâcheuses prévisions s’accompliront ; les luttes, les conflits paraissent pourtant inévitables. Quels sont les hommes qui, dans cette mêlée, prendront la direction des esprits ? — Du côté du gouvernement, on ne voit que M. de Schmerling. Le ministre d’état autrichien a plusieurs des qualités qu’exige la situation de l’Autriche. Il a déjà montré en 1848 qu’il a l’esprit ouvert aux pensées d’innovation, de réforme et de progrès, qu’il n’est point esclave des routines, et il a fait preuve aussi à Francfort de décision et d’énergie dans l’action. Il est plus difficile de dire quels chefs en définitive suivra la Hongrie. À côté de ce grand respect du droit historique qui distingue les nations conservatrices et libérales, et dont elle est pénétrée plus qu’aucune autre, la Hongrie semble exposée aux inspirations d’une sorte de génie chimérique et inquiet. Plus que jamais nous souhaitons qu’elle se tienne en garde contre les tentations de ce mauvais génie, auquel elle peut imputer la plupart de ses malheurs passés. Le mouvement de rénovation nationale et libérale que la révolution italienne a inauguré en Europe s’est distingué jusqu’à présent par une modération à la fois généreuse et habile. Tous les amis des peuples et de la liberté doivent souhaiter, pour le succès final, que ce caractère de modération soit conservé jusqu’au bout à l’œuvre commune. La première violence, la première maladresse brutale pourraient donner le signal d’une réaction qui s’étendrait aussi généralement que nous avons vu se propager le mouvement réformateur. La Pologne donne en ce moment un exemple touchant de cette modération. Qui ne sent en Europe