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LES SOUFFRANCES
D’UN PENSEUR ITALIEN

LEOPARDI ET SA CORRESPONDANCE.

Epistolario di Giacomo Leopardi, 2 vol., Firenze.

Parce que l’Italie est livrée aujourd’hui à toutes les ardeurs de la lutte, parce qu’elle est plongée tout entière dans cette fournaise d’où ses membres, depuis si longtemps dispersés et mutilés, doivent sortir unis et vivant d’une vie nouvelle, parce qu’enfin l’action tourbillonnante éclipse la pensée dans cette résurrection d’une nationalité que bien des personnes aimaient tant qu’elles croyaient pouvoir s’y attacher sans péril comme à une chimère généreuse, et qu’on n’aime plus depuis qu’elle devient une réalité qui s’impose, ce n’est pas une raison de croire que la force et l’habileté soient les improvisatrices d’un si merveilleux mouvement. Le jour de l’action s’est levé pour la péninsule ; l’intelligence, elle aussi, a eu son heure, et pendant que la politique était morte ou dormait des Alpes au Phare, il y avait à Florence comme à Milan, à Naples comme à Turin, des poètes, des écrivains, des historiens, des philosophes, qui, à travers ce réseau de compression si habilement tissé, travaillaient à la même œuvre de rajeunissement par la méditation solitaire, par la sérieuse et forte activité de l’esprit. C’était le temps où se formait ce qu’on pourrait appeler la pensée italienne moderne. Ceux qui ont personnifié cette pensée à un moment de ce siècle n’allaient point sans