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fût étendue aux immeubles, avec l’espoir que son budget de recettes serait augmenté par là d’une cinquantaine de millions.

À chaque feuillet qu’on arrachait du vieux livre des privilèges, une certaine irritation parmi les hautes classes se faisait sentir. Comme palliatif, le ministre réformateur s’engagea à réduire graduellement l’income-tax jusqu’à son entière suppression en 1860. Il était sincère en faisant cette promesse, il avait pu croire qu’un accroissement de commerce et de consommation allait remettre à niveau les recettes et les dépenses ; mais bientôt les relations des puissances occidentales avec le tsar s’envenimèrent, et le cabinet britannique dut se préparer à une guerre qui allait s’engager dans des conditions exceptionnelles. Il fallait de l’argent promptement et beaucoup. Sous le poids de ce besoin, comme sous la pression d’un ressort, jaillit encore un problème d’économie sociale, celui des emprunts publics et des dettes permanentes. Dans quelles circonstances et dans quelle mesure convient-il qu’une génération rejette sur les âges futurs la responsabilité de ses propres actes ? Sans se rallier à l’utopie des amis de la paix, M. Gladstone croit que la guerre est une chose mauvaise, et qu’elle serait souvent évitée, si les citoyens savaient qu’ils vont être immédiatement appelés à contribuer pour solder tout ou partie des frais. Lorsqu’au contraire on hypothèque le travail des générations à venir pour désintéresser le présent, le mouvement des emprunts, l’effervescence de la spéculation, le bénéfice émietté parmi les classes les plus influentes y font l’effet d’une prime en faveur de la destruction des hommes. M. Gladstone compta assez sur le bon sens de ses concitoyens pour développer à la tribune la thèse que je résume, et il proposa de lever 400 millions de francs par des émissions de billets à court terme, par des accroissemens d’impôts, et surtout par le doublement de cet income-tax dont il venait de promettre la suppression. Le parlement, il faut le rappeler à son honneur, se montra digne du ministre. Une cotisation exceptionnelle de 160 millions de francs fut votée par des hommes appartenant tous à la classe qui allait avoir à payer double l’impôt sur le revenu. Malheureusement la guerre se prolongea d’une manière imprévue. La génération actuelle, ayant payé sa dette, ne se fit plus scrupule d’inscrire une partie des frais au compte de l’avenir. On eut recours aux emprunts. Quoi qu’il en soit, le débat soulevé n’aura pas été sans profit pour l’éducation économique de l’Angleterre. L’abus des emprunts n’y est plus guère à craindre : il sera bien difficile d’y avoir recours sans une impérieuse nécessité de salut public.

Les innovations qui peuvent avoir pour effet d’amoindrir momentanément les ressources du trésor furent suspendues pendant la pé-