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IV. — gladstone.

Vers la fin de 1852, les tories avaient ressaisi le pouvoir, et des élections venaient d’être faites sous leur influence. Les partisans de la réforme économique avaient quelque raison de se défier du nouveau parlement : ils résolurent de sonder ses tendances, et l’un d’eux, M. Villiers, proposa de constater par un ordre du jour que des améliorations, évidentes avaient été accomplies grâce au libre échange, et qu’une politique conforme aux principes de la liberté commerciale était le plus sûr moyen de contribuer au bien-être des populations. L’épreuve fut décisive. Dans cette chambre, où le parti conservateur avait concentré ses forces, il se trouva 336 membres contre 256 pour approuver la motion de M. Villiers. Cette manifestation fait époque dans l’histoire du libre échange ; elle a mis le principe hors de cause, du moins pour l’Angleterre, et si l’on y dispute encore, c’est à propos des détails d’exécution et non plus sur la valeur intrinsèque du système. La responsabilité des hommes d’état semble allégée, et ils vont au but plus directement. Un plan assez ingénieux de M. Disraeli est repoussé, parce qu’on y soupçonne l’arrière-pensée d’amoindrir les innovations consenties par Robert Peel. Avec M. Gladstone, qui revient à l’échiquier, le public s’émeut, parce qu’on sent tout d’abord que la ferme raison du théoricien va être servie par la passion de l’artiste. Le ministre propose d’abolir l’excise sur le savon, impôt qui rapporte près de 30 millions de francs, mais impôt malfaisant qui condamne le peuple à la malpropreté. Il y a dans la perception des taxes concernant diverses transactions des formalités onéreuses pour les citoyens : il faut les modifier, dût-il en coûter au trésor une quinzaine de millions. Le tarif des douanes comporte encore des simplifications. Treize articles intéressant l’alimentation populaire (beurre, fromage, œufs, cacao, raisins, fruits, etc.) seront réduits de moitié ; cent trente-trois articles de détail peuvent être dégrevés, cent vingt-trois autres affranchis tout à fait. Des mesures sont prises en même temps pour atténuer Autant que possible les entraves et les ennuis occasionnés par tout régime douanier. Comment compensera-t-on ces nouveaux sacrifices ? C’est encore à la classe riche que M. Gladstone s’adresse en lui demandant d’abandonner l’une de ses principales immunités. Forcé d’établir, contrairement à ses principes, une taxe sur les successions, Pitt l’avait du moins limitée à l’héritage des valeurs mobiles. De cette manière il avait laissé intact le privilège des familles opulentes, qui se perpétue surtout par la transmission des propriétés réputées immeubles. M. Gladstone obtint que la taxe dont il s’agit