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vriers adultes ; mais il considéra les enfans et même les femmes comme des mineurs à qui une protection était due. Par les actes de 1844 et 1847, l’admission des enfans dans les ateliers avant l’âge de huit ans fut défendue. Le travail effectif fut limité à six heures et demie par jour, sans compter deux heures d’école, pour les enfans de huit à treize ans, et à dix heures pour les adolescens mâles de treize à dix-huit ans, comme pour les filles ou femmes de tout âge. Or, comme les hommes ont ordinairement besoin dans les grandes fabriques d’avoir pour auxiliaires des femmes et des enfans, on avait supposé qu’en réduisant le labeur de ceux-ci, les mâles adultes eux-mêmes ne seraient pas employés dans les ateliers plus de dix heures. Défense avait donc été faite de retenir trop longtemps les enfans et les femmes dans une même manufacture ; mais on n’avait pas prévu le cas où les créatures faibles seraient occupées en une seule journée dans plusieurs manufactures, et comme la loi est appliquée à la lettre en Angleterre, les maîtres prétendaient ne pas violer la loi en pratiquant le système des relais, c’est-à-dire qu’ils échangeaient leurs petits ouvriers, qui, passant d’un atelier à l’autre, faisaient parfois des journées doubles. Un tel abus criait justice ; le bill de 1850 y mit fin en précisant les heures pendant lesquelles femmes et enfans devraient être appliqués au travail. On pourvut à la stricte exécution de la loi au moyen d’inspecteurs qui ont pris leur mandat au sérieux, parce qu’ils sentent que l’autorité les soutient et que le public applaudit à leur zèle. Le but entrevu par les législateurs a été atteint sans préjudice pour les chefs d’industrie. Quoique le nombre des manufactures et usines ait augmenté considérablement depuis vingt-cinq ans, celui des enfans qui y sont employés est réduit de beaucoup[1]. Aux enquêtes de 1832 sur le sort des classes salariées remontent les tentatives énergiques et suivies pour constituer un système d’éducation populaire, ainsi que la série des règlemens sanitaires qui ont fait à peu près disparaître ces cloaques insalubres, ces logemens immondes, objets pour les étrangers d’une triste curiosité.

L’aristocratie britannique n’ayant pas pu défendre le monopole qui faisait sa force principale, l’abolition des autres monopoles ne devait plus être qu’une affaire de temps et d’opportunité. Cependant, deux ans après leur déroute, qui semblait définitive, les prohibitionistes étaient ralliés et prêts à livrer bataille à propos du privilège colonial. Avant 1842, le sucre de provenance étrangère était

  1. On en peut juger par un document qui date déjà de dix ans. En 1835, on comptait 115,782 fabriques et 298,917 en 1850. Cependant à la première époque il y avait dans ces grands ateliers 56,003 enfans au-dessous de treize ans et seulement 40,775 en 1850. L’amélioration doit être beaucoup plus marquée actuellement.