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pendant six mois de cinquante mille hommes de l’armée royale et de la flotte pour aller attaquer l’Autriche dans la Vénétie ou l’armée du pape à Ancône ; — le droit de lever des volontaires dans tout le royaume. Le piège était grossier, et de toute façon il s’adressait mal. Garibaldi sait mieux que personne que les adeptes du droit divin, — rois ou prétendans, — admettent à leur usage une morale particulière relative à certains cas de force majeure dont nous avons eu, en Espagne, récemment encore un triste exemple. Il n’oubliait pas en outre que François II était le fils de ce Ferdinand qui, en 1848, avait déclaré à la face du monde « vouloir contribuer, avec les autres princes de l’Italie, à la sainte guerre de l’indépendance italienne par l’envoi d’un large contingent de terre et de mer[1] ; » ce qui ne l’empêcha pas de mitrailler son peuple le 15 mai, de retirer la constitution jurée, de rappeler les troupes et les navires envoyés au secours de la Vénétie soulevée. Garibaldi savait qu’entre les deux principes qui sont, quels que soient les prétextes dont on les enveloppe, le fond de toutes les guerres qui secouent l’Europe depuis tant de siècles, il n’y a pas de pacte possible. « L’un des deux est de trop dans le monde ; » le mot est de Lucien Bonaparte, et il est juste. Il savait encore que si, par faiblesse, il acceptait le marché proposé, il serait joué, bafoué, berné par des hommes dont la politique est basée uniquement sur cet adage, que la fin justifie les moyens ; il savait enfin que l’acceptation de ces offres, la loyauté du jeune roi étant admise, conduirait vers une fédération l’Italie, qui ne cherche et ne veut que son unité. Garibaldi refusa donc, verbalement je crois, et sans même répondre à la lettre royale.


MAXIME DU CAMP.

  1. Planat de La Faye, Documens et pièces authentiques relatifs à Manin, t. Ier, p. 285. Il faut lire dans le même volume, p. 247, le cri de douleur que cette trahison arrache à Leopardi, envoyé du roi de Naples auprès du roi de Sardaigne : « Le colonel Lahalle s’est tué, le colonel Testa est mort d’apoplexie à force d’angoisses. O éternelle infamie des Bourbons ! » Les chefs de corps, avant de quitter Naples, avaient reçu directement du roi la défense de franchir le Pô.