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quittèrent leur position, se replièrent et s’arrêtèrent aux défilés de Soveria[1], couvrant ainsi l’importante ville de Cosenza et défendant la route qui y mène ; mais les mêmes périls qui les avaient chassés de Tiriolo se retrouvèrent plus pressans et plus nombreux encore à Soveria : là aussi toute la contrée en armes était debout. Sur leurs flancs, l’insurrection s’étendait ; le baron Stocco, avec ses Calabrais, les avait tournés par une marche rapide, et coupait les communications avec Cosenza. Garibaldi arriva pour livrer bataille. La troupe royale, découragée par des défaites qu’elle ne pouvait ignorer, démoralisée par un esprit d’indiscipline dont nous avions trouvé déjà tant de preuves sur notre route, ne pouvait opposer une résistance bien sérieuse à des hommes ardens qui sentaient la victoire s’agiter dans leur cœur. Les généraux napolitains le comprirent et capitulèrent, abandonnant à Garibaldi deux batteries d’artillerie, les chevaux et les mulets, dont nous avions grand besoin. La capitulation de Soveria laissait sans défense la route de Cosenza et découvrait la ville, où déjà fonctionnait régulièrement un comité national choisi parmi les notables habitans. Le général napolitain Cardarelli, qui y commandait avec une brigade, sentit facilement que sa position était fort compromise ; il savait que nos troupes de Sicile débarquaient journellement à Paola et à Sapri pour intercepter toute retraite sur Naples. Avec beaucoup de raison il pensa qu’il était odieux de faire couler un sang inutile, et que l’honneur de ses armes était sauf, puisqu’il se trouvait dans une position inextricable. Il capitula donc entre les mains du comité de Cosenza[2], « comité central de la Calabre citérieure. » Le corps sous ses ordres comprenait un régiment de carabiniers à pied, une compagnie de gendarmes, une batterie d’obusiers de montagne, deux escadrons de lanciers. Qu’aurait pu faire cette petite troupe contre l’insurrection et notre armée ? On a accusé les généraux napolitains de lâcheté et même de trahison dans les Calabres ; on a eu tort. Ils ont été constamment coupés, isolés les uns des autres et mis dans l’impossibilité d’agir par le général le plus merveilleusement actif qui soit au monde. Il est une preuve de cette activité qui sera surtout convaincante pour les hommes habitués aux choses militaires. Vingt-huit étapes régulières séparent Reggio de Naples ; notre brigade les fit en quatorze

  1. Soveria est un gros bourg placé précisément sur l’extrême limite de la Calabre ultérieure deuxième, au fond d’un défilé ; il ne faut pas confondre ce bourg avec la petite ville de Soveria, située à l’est de Catanzaro, au haut d’une montagne, derrière le fleuve Simmari.
  2. La minute de la capitulation est signée : « Cav. Giuseppe Cardarelli ; — le comité, Francesco Gazolini, Pietro Compagna, Donato Morelli, Carlo Compagna, Domenico Fruginele. »