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loi dans leur comté. Dans le comté de Mariposa, un mineur peut occuper, sur un dépôt d’alluvion, cent cinquante pieds, soit 45 mètres ; c’est par conséquent trois cents pieds, ou 90 mètres, pour deux mineurs travaillant ensemble. Comme aucun agent du comté n’est là pour vérifier les mesures, il va sans dire que, dans la plupart des cas, les mineurs, pour fixer les limites de leurs claims, se servent de pieds facultatifs dont seuls ils possèdent l’étalon. Ce que l’on vient de dire pour les placers s’applique aussi aux mines proprement dites. La propriété s’en obtient de la même façon et sans plus de formalités ; seulement, pour une veine aurifère, la longueur concédée est le double de celle accordée sur les placers. Ainsi on donne, dans le comté de Mariposa, sur un filon à exploiter, une longueur de trois cents pieds par mineur, et cette longueur est mesurée sur la direction du filon. Le double, ou six cents pieds, est accordé à l’inventeur, c’est-à-dire à celui qui le premier a découvert la mine.

Les formalités à remplir pour entrer en possession d’un gite aurifère quelconque sont des plus simples. On fixe sur un arbre ou sur un piquet en terre une sorte d’affiche, où l’on annonce au public qu’à partir de ce point jusqu’à un point correspondant, à 150 ou 300 pieds du premier, suivant qu’il s’agit d’un placer ou d’un filon, et à autant de fois 150 ou 300 pieds qu’il y a de signataires, tels et tels se proposent d’entreprendre une exploitation. On attend deux ou trois jours, et, si aucune réclamation ne se produit, le travail commence immédiatement. Cette exploitation doit dès lors marcher sans interruption sous peine de déchéance. Le seul délai de chômage accordé par la loi est, dans le comté de Mariposa, d’un mois pour les mines et de cinq jours pour les placers. On prévient d’ordinaire ce délai si court en laissant des outils dans les chantiers, comme une pelle ou un pic ; mais souvent des chercheurs de mines ou de placers, flairant les occasions, viennent, sous le nom de jumpers (sauteurs), s’installer sur les travaux abandonnés.

C’est la simplicité de ces formalités qui a créé la grande exploitation californienne et amené le travail des placers et des mines à un degré de prospérité inconnu à la vieille Europe. En France et dans presque tous les pays de l’ancien continent qui ont adopté notre code des mines, il n’est pas rare de voir une demande en concession n’aboutir qu’après un délai de plusieurs années, quelquefois de huit ou dix ans. Dans l’intervalle, le demandeur dépense souvent beaucoup d’argent et perd un temps considérable en démarches sans nombre, depuis les visites aux ingénieurs des mines et au préfet de son département jusqu’à celles qu’il lui faut faire à Paris, s’il veut réussir, aux divers membres du conseil des mines, du conseil d’état, au ministre des travaux publics. Encore n’est-il pas sûr de l’emporter, et jusqu’au dernier jour, avec la publicité que donne le gouvernement à ces sortes d’affaires, avec la concurrence qu’il semble appeler à tout prix, un rival plus heureux que le premier demandeur, et qui souvent aura