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particuliers eux-mêmes, sont munies de barrières où l’on acquitte un péage, comme en Angleterre. Ceux qui les ont établies peuvent de la sorte se rembourser de leurs frais, et c’est ainsi que la Californie a pu jouir en peu d’années d’un véritable réseau de routes. Les parcours journaliers s’accomplissent régulièrement jusqu’aux distances les plus reculées, et, quels que soient le temps, la saison et la longueur du trajet, les diligences partent et arrivent à l’heure.

Ce n’est pas là ce qu’il faut encore le plus admirer. Une route de terre, à travers la Sierra-Nevada et les Montagnes-Rocheuses, réunit San-Francisco à Saint-Louis et à Memphis sur le Mississipi, et de là, par cet immense développement de chemins de fer que les Américains seuls possèdent, à toutes les villes de l’Union, à tous les ports sur l’Atlantique. Deux fois par semaine, des diligences partent de San-Francisco pour Saint-Louis ou Memphis, et en arrivent. Elles ne mettent en moyenne que vingt-deux jours (terme légal vingt-cinq jours) pour accomplir ce long voyage de près.de neuf cents lieues. C’est la plus longue distance peut-être qu’une voiture ait jamais parcourue ; dans tous les cas, c’était dans le principe la plus difficile et la plus périlleuse, puisque la route venait d’être simplement explorée. Le premier de ces voyages, regardé en Californie et dans toute l’Union comme un événement, fut officiellement accueilli à San-Francisco par un salut de cent un coups de canon, et la joie populaire, ne connaissant plus de limites, acclama comme un véritable triomphateur l’heureux postillon qui le premier avait franchi ce trajet. Six chevaux frais furent attelés à la diligence, et elle dut parcourir, tantôt au pas, tantôt au trot ou au galop, les diverses rues de la ville. Ceci, ne l’oublions pas, se passait en 1857, c’est-à-dire huit ans à peine après la découverte de l’or.

Le service dont on vient de parler est celui de la Great overland Mail, pu grande malle de terre. C’est par là que la plupart des négocians de San-Francisco envoient à New-York ou en Europe le double de leur correspondance, prévoyant le cas où l’original se perdrait avec la malle maritime. La grande malle de terre emporte ainsi à chaque départ plusieurs milliers de lettres. Tout récemment, pour maintenir ce service, la poste lui a même confié le transport exclusif de ses paquets. Les lettres ont alors atteint jusqu’au nombre de quinze ou dix-huit mille, et se sont maintenues dans une moyenne de huit ou dix mille à chaque départ, répété deux fois par semaine. C’est encore par la malle overland que beaucoup de lettres et de journaux des États-Unis et d’Europe arrivent en Californie et devancent la malle maritime, qui en 1859 ne partait que deux fois par mois. Le télégraphe signale les principales nouvelles apportées par la malle de terre des son. entrée en Californie, au moins trente-six heures avant qu’elle n’arrive à San-Francisco. En quittant le Mississipi, la malle a également reçu les dépêches pendant les trois premiers jours qui suivent son départ, et il n’est pas rare de cette façon qu’un événement qui s’est passé à Londres ou à Paris soit connu à San-Francisco moins d’un mois après. — Beaucoup de