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plus beau spectacle en mer que celui d’un de ces immenses navires, les quatre mâts blanchis par les voiles, fendant les flots avec une rapidité qui atteint quelquefois jusqu’à 32 kilomètres à l’heure, vitesse moyenne d’un train de marchandises sur les voies ferrées. Les deux plus beaux voyages de clippers américains qu’on ait cités dans cette course sur les deux Océans sont ceux du Great Republic et du Flying Cloud en 1851. Partis de New-York, ils arrivèrent à San-Francisco, le premier en quatre-vingt-sept jours, le second en quatre-vingt-neuf, après avoir fait des journées de 375 milles, soit en moyenne 16 milles à l’heure.

Les voies de communication par terre n’ont pas été plus négligées en Californie que les voies navigables, et la jeune colonie américaine compté déjà plus d’un chemin de fer. Le plus fréquenté est celui de Sacramento à Folsom, côtoyant la rivière américaine. De Folsom partent toutes les diligences pour le nord de la Californie. On a calculé que près de cent mille passager, sont chaque année transportés sur le chemin de fer de Folsom. Parmi les voies ferrées qui sont en construction se présente au premier rang la grande ligne transcontinentale entre le Mississipi ou l’un de ses affluens et l’Océan Pacifique. Sept projets ont été étudiés sous la surveillance du département de la guerre à Washington. La distance moyenne est au moins de 2,000 milles américains ou 800 lieues. Sur le tiers ou le quart de cette distance existent des terres arables. Le coût total de l’établissement de la voie, d’après les devis, varierait, suivant les cas, entre 600 et 850 millions de francs. Ces sommes n’ont rien d’exagéré, et il faut même la simplicité, la promptitude et l’économie que les Américains apportent dans tous leurs grands travaux pour ne pas atteindre un total beaucoup plus élevé. Le parcours est en effet non-seulement très étendu, mais parfois très difficile ; le bois et l’eau manquent à la fois sur beaucoup de points. La rivalité et l’opposition jalouse des états du sud ont peut-être seules empêché jusqu’à ce jour l’établissement de cette immense route ferrée, qui sera sans contredit l’une des plus grandes merveilles de ce siècle.

On voyage sur les chemins de fer californiens dans les mêmes conditions de comfortable qu’on retrouve sur tous les rail-ways de l’Union[1]. Aussi

  1. Voici quelques-unes de ces dispositions propres aux chemins de fer américains, et qui méritent d’être signalées comme parfaitement applicables en Europe. D’immenses wagons, qui peuvent contenir chacun cinquante voyageurs, communiquent l’un avec l’autre. Chaque banquette, en osier et à claire-voie, occupe deux sièges, et l’on peut aller en avant ou en arrière, à volonté, en faisant basculer le dossier, mobile autour d’une charnière horizontale. Au milieu du véhicule règne un passage qui sert de promenade. Un homme le parcourt sans cesse, vendant des livres, des journaux et des fruits. Un poêle en hiver chauffe la voiture ; en été, un bidon rempli d’eau et un verre permettent aux voyageurs de se désaltérer sans descendre. Faut-il ajouter qu’on n’a pas même oublié… le water-closet ? — Le conducteur parcourt sans cesse les wagons, et peut, au moyen d’un cordon qui règne sur toute la longueur du train, prévenir le mécanicien qui conduit la locomotive. Pour n’être point dérangé, chaque voyageur met son billet en évidence en le fixant autour de son chapeau.