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Allemands et les Italiens, apparaissent dans chacun de ces groupes pour un chiffre à peu près égal au précédent. Tous ont conservé dans la nouvelle colonie leur caractère particulier : les émigrés de race saxonne, à tout jamais fixés dans le pays, forment un curieux contraste avec les émigrés de race latine, qui n’aspirent qu’à retourner dans leur patrie. Viennent enfin les nègres et les Kanaks de l’Océanie qui ne dépassent pas, tous ensemble, le nombre de 3 ou 4,000. En réunissant tous ces divers chiffres et en tenant compte de quelques nationalités européennes dont les représentans ont toujours été très clairsemés, tels que les Belges, les Suisses, les Polonais, les Hongrois et les Espagnols, on arrive, pour la population actuelle de la Californie, à un nombre total d’environ 550,000 habitans. Le nombre des femmes est encore très faible, un cinquième ou un quart au plus de la population[1].

Les principales villes de Californie, San-Francisco, Sacramento, Marysville et Stockton, sont non-seulement de grandes et belles cités, mais la position topographique de chacune d’elles est même exceptionnelle. San-Francisco s’élève à l’entrée de la plus vaste baie du monde ; Toutes les flottes des États-Unis pourraient s’y donner rendez-vous, et cette baie ne communique avec la mer que par un étroit goulet, poétiquement nommé la Porte-d’Or ou Golden-Gate. Cette ville compte aujourd’hui près de 80,000 habitans, et c’est bien la Reine du Pacifique, comme l’appellent les Américains avec un juste orgueil. En dix ans, elle a conquis sur Lima, la capitale du Pérou, Valparaiso et Santiago du Chili, la même supériorité qu’ont su acquérir les villes de l’Union américaine, Boston, New-York, Baltimore, Philadelphie, sur les cités beaucoup plus anciennes de l’Amérique du Sud, telles que Pernambuco, Bahia, Rio-Janeiro, Montevideo, Buenos-Ayres. Partout se retrouve ainsi l’éternelle question du développement vivace, énergique de la race anglo-américaine, comparé à la marche lente et rarement progressive des peuples de race espagnole. Les quais de San-Francisco ne sont pas ce qu’il y a de moins curieux dans cette gloire de la côte occidentale, the glory of the western coast, comme les Yankees nomment encore leur jeune colonie. Bâtis sur d’énormes pilotis de ce beau sapin rouge de Californie, qu’on recouvre de dalles en planches formant un immense parquet, les quais présentent un développement de plusieurs kilomètres. Chaque navire a sa place marquée. Ici sont les immenses clippers à quatre mâts, à la coupe élancée, venus de New-York ou de Boston, à côté d’autres clippers plus modestes qui visitent l’Australie, la Chine, les Philippines, les îles de la Sonde, l’empire britannique. Là sont amarrés les vapeurs gigantesques du Pacifique, véritables villes flottantes, plus loin les navires étrangers, et l’on

  1. Comme la population mâle est naturellement vigoureuse et d’un âge qui varie, par le fait même de l’immigration californienne, entre vingt-huit et quarante-cinq ans, la rareté excessive des femmes amène des résultats pathologiques déplorables, sans parler des inconvénient moraux qui en résultent, tels que le manque de foyer domestique et de famille.