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naturelle et la rétribution légitime de son inconcevable imprévoyance ; mais après la position prise à l’origine par le gouvernement, nous sommes forcés d’avouer que les raisons données en son nom pour expliquer sa conduite ne peuvent pas être valables aux yeux des catholiques. Le procès de la politique suivie à l’égard de l’Italie se concentre aujourd’hui dans la question romaine. La crise décisive de la question romaine dans ce passé qu’étaient appelés à juger les orateurs du sénat et du corps législatif a été l’invasion des Marches et de l’Ombrie par les Piémontais. C’est là que la politique du gouvernement français, politique que l’on ne peut séparer des protestations exprimées au commencement de la guerre, est prise dans une contradiction dont toutes les ressources oratoires de MM, Billault et Baroche ne réussissent point à la dégager. Que disent en effet les orateurs du gouvernement ? Que le principe de non-intervention empêchait le gouvernement français de s’opposer à l’entrée des Piémontais dans les états de l’église.

L’on a parlé à tort et à travers du principe de non-intervention au sénat et au corps législatif. Personne ne l’a défini d’une façon satisfaisante, personne n’en a fait la juste application. Pour en expliquer le sens et la portée, M. le président du conseil d’état n’avait pas besoin de recourir à l’autorité des ministres du gouvernement de 1830 : l’état des affaires était alors bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. Si l’on voulait chercher des analogies entre les systèmes qui étaient en lutte à cette époque et ceux qui se combattent aujourd’hui, on pourrait dire sans injustice que la politique extérieure inaugurée depuis trois ans est à peu près celle que M. Mauguin recommandait en 1831. Or il peut être piquant, mais il est étrange, de chercher à défendre la politique Mauguin par des argumens empruntés à Casimir Périer. Ce que l’on appelle le principe de non-intervention n’est point un expédient d’origine anglaise que la France aurait ensuite adopté. Entendu dans son vrai sens, c’est un principe d’équité appliqué au droit international, et qui ne saurait prêter à aucune équivoque. Ce principe établit qu’une puissance étrangère n’a point le droit d’intervenir dans les affaires intérieures d’un autre état, pour y soutenir soit un souverain contre son peuple, soit une partie de ce peuple contre son souverain. La non-intervention n’est autre chose que le respect de l’autonomie des états et des peuples dans le domaine de leur constitution et de leur administration intérieure ; elle n’est que la sauvegarde de l’indépendance des gouvernemens et des nations. Dire que c’est là une idée anglaise, c’est oublier l’esprit même de la révolution française, qui, dans son premier essor de 1789, proclama ce principe. Fox et l’école libérale anglaise ne firent que l’emprunter à l’esprit de notre XVIIIe siècle, et ils s’en servirent pour résister aux prétentions de l’école tory dans la guerre de principes que celle-ci déclara à la France révolutionnaire. Telle est l’idée de non-intervention. Un état n’a pas le droit de s’immiscer par les armes dans les affaires intérieures d’un état où d’un peuple indépendant.

Or comment ce principe était-il en jeu dans l’invasion des états pontificaux