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L’amour se vengera. Connais, connais ton dieu ;
À défaut de ton cœur qui s’ignore, le feu
Consume ta force et ta vie !

Et le rêve sinistre à moitié s’accomplit.
Sous ton sein convulsif ploie et gémit ton lit ;
Et comme des feuilles de roses
Tout ce que la santé, la richesse, ont de fleurs,
Tes plaisirs, ta puissance et tes fraîches couleurs
Jonchent le sol, à peine écloses !

Ah ! dans ton sein troublé murmure le regret,
Et l’esprit de ton rêve à tes yeux apparaît :
Si de ces jeunes fleurs retombe
Un nuage de pleurs, un pâle épuisement,
C’est que la mort se cache et que le bonheur ment,
Que toute fleur naît d’une tombe ;

Que des prospérités le sort restreint le cours ;
Qu’on ne saurait trop vivre en des instans trop courts !
Puisque le printemps nous convie
À ses riches festins, prenons-en notre part.
Gardons, gardons de voir avant notre départ
Tomber les roses de la vie !

Mais tu prêtes l’oreille ? Aucun bruit n’a passé.
Quel souffle t’est venu ? ton sein moins oppressé
Avec plus de force respire.
D’où vient que sur ta joue une rougeur éclôt ?
Que murmure ta bouche ? Un appel ? un sanglot
Voilé d’un fugitif sourire ?

Ton oreille a saisi le bruit d’un pas.
C’est lui, C’est elle ! C’est la sœur, c’est l’amant qui t’a fui.
Il t’emporte comme une proie ;
Sous le feu de son œil, la chaleur te revient ;
Il t’emporte, et son bras dans la fuite soutient
Ton front, trop faible pour ta joie !

Il descend des degrés qui plongent dans le sol ;
Toi, tu crois t’élever par un sublime vol
Dans l’infini d’un ciel prospère.
Sur de riches coussins est posé ton beau corps ;
Et lui, l’amant, la sœur veillant, puisque tu dors,
Songe aux voluptés qu’il espère.

Il ne t’abandonnait que pour mieux t’obtenir.
Il voulait préparer au bonheur à venir